Le Covenant des droits de l’enfant en Islam
DE L’UNIVERSEL AU PARTICULIER,
UN RECUL INACCEPTABLE
Contribution à un plaidoyer nécessaire « pour
des droits universels des enfants »
Version 2 - 11.09.2019 - Omar El Kindi – omar.elkindi@gmail.com
Le jeudi 22
août 2019[1],
en pleines vacances d’été (!) et après une longue série de journées fériées
et/ou chômées, le conseil de gouvernement a approuvé le projet de loi N° 58.19 relative à l’adhésion
de notre pays au « Covenant[2]
des Droits de l’Enfant en Islam » de décembre 2005. Cette décision
incongrue a été, immédiatement, contestée par la société civile[3]
et les individus[4]
épris des droits de l’enfant qui l’ont qualifiée de recul incompréhensible et inacceptable
par rapport à nos engagements internationaux, à nos textes nationaux et à nos
ambitions en matière de droits de l’enfant.
Le
Secrétaire général du Parti du Progrès et du Socialisme[5],
puis son Bureau politique, pourtant partie du gouvernement, ont contesté le
projet de Loi 58.19 et l’ont qualifiée de « bévue »
Pour
contribuer aux échanges en cours sur le contenu dudit « Covenant de l’OCI »
et la pertinence de la décision du gouvernement, le présent document a pour
objet de présenter une lecture linéaire commentée de ce texte. Elle pourrait,
enrichie par l’apport d’autres acteur(e)s, servir à éclairer les politiques et
l’opinion publique sur le caractère incongru et injustifié de cette décision.
1. La non-pertinence
de la décision
1.1- Un
Covenant sans régressif
Comme nous le
verrons, plus loin, le « Covenant des Droits de
l’Enfant en Islam » n’apporte aucune valeur ajoutée à la protection de
l’enfant dans notre pays. Pire, il introduit des divergences avec plusieurs
textes sur la protection de l’enfant, dont la « Convention
Internationale des Droits de l’Enfant[6] (CIDE) » que notre
pays a ratifiée depuis plus d’un quart de siècle et que le monde entier devrait
célébrer don 30ème anniversaire, le 20 novembre de cette année.
La
référence récurrente, voire redondante, à la « Charia islamique »
et au « Contrôle islamique » donne au texte de l’OCI un
caractère de « manuel pour rigoriste » pour enfants musulman(e)
et crée, de fait, une discrimination envers les
enfants « non-musulmans » en totale contradiction avec
l’universalité des dispositions de CIDE.
La prise en
compte dans le « Covenant OCI » des enfants « en situation
d’handicap » et celle des enfants « réfugiés » sont
contenues, de meilleure manière, dans différents textes législatifs et
règlementaires dont notre pays s’est doté.
1.2- La
caducité du texte de 2005
Le « Covenant des Droits de l’Enfant en
Islam » a été adopté par la 32ème Conférence des
ministres des Affaires étrangères des Etats islamiques qui s’était réunie du 28
au 30 juin 2005 à Sanaa au Yémen.
Or, la
Commission Permanente Indépendante des Droits de l’homme (CPIDH) de l’OCI,
réunie à Djeddah, du 15 au 19 avril 2018 (13èmme session) a recommandé
de « Réviser le Pacte de l’OCI relatif aux droits de l’enfant en Islam pour
renforcer les droits des enfants dans les Etas membres » !!
Une
sous-commission constituée à cet effet s’est réunie à Djeddah, le 1er
décembre 2018.
Le Conseil
des ministres des affaires étrangères des pays de l’OCI, réuni en Abu
Dhabi, les 01 et 02 mars 2019, soit il y a, donc, moins de six mois,
a validé la proposition de la CPIDH !!
Ainsi, le
gouvernement a décidé de présenter un projet de loi pour adhérer à un texte,
en cours de refonte par l’OCI qui pourrait être, à terme, considéré
caduc et qui plus est n’apporte rien d’important en la matière !!
Cela est
d’autant plus surprenant que la Présidence de ladite CPIDH est présidée par
notre compatriote la Professeure Raja Naji Al Makkawi, depuis son
élection, lors de la 44ème session du Conseil des ministres des Affaires
étrangères de l’OCI, tenue les 10 et 11 juillet à Abidjan 2017 (Côte d’Ivoire).
De deux
choses l’une, ou notre gouvernement ne savait pas et il serait, pour le
moins, fort incompétent, ou il savait et il serait tout aussi
incompétent. Car, comment, dans le premier cas, avoir une compatriote à la
présidence de la Commission et ne pas être au courant de ce qui s’y passe !!
Dans le second cas, comment essayer de passer un texte sans consulter, préalablement,
les instances constitutionnelles idoines et la société civile !! Car, qu’on se
le dise, ce texte représente une négation des fondements des droits de l’enfant
adoptés par notre pays, à travers nos engagements internationaux et dans nos
propres textes législatifs et règlementaires
1.3- La
démarche du gouvernement !!
Il existe
dans notre pays, depuis 2011, des instances constitutionnelles dotées de
prérogatives précises et des procédures pour ce qui concerne la protection des
droits de l’enfant, qui ont été ignorées par le gouvernement dans la
préparation de son projet de loi N° 58.19. :
-
Article 24 :
Examen de la cohérence d’une telle adhésion avec les Conventions
internationales déjà ratifiées par notre pays et celles auxquelles il a adhéré.
-
Article 18 : Mise
en œuvre du « Mécanisme national de recours pour les enfants
victimes de violation de leurs droits »
Le CNDH n’a pas été consulté par le Gouvernement. Il appartiendra aux deux
chambres du parlement de rattraper cette anomalie / dysfonctionnement en le
consultant pour apporter son éclairage d’expert et de « gardien du temple
des droits humains ».
1.3.2- Le Conseil
Consultatif de la Famille et de l’Enfance[8]
(Loi 78-14), dont les
missions comprennent :
-
Article 2 §2 :
Le suivi de l’harmonisation de la législation et des programmes nationaux
concernant l’enfance et la famille avec les engagements internationaux du Maroc
tels que ratifiés par lui.
-
Article 2 §4 :
Donner son avis, à la demande du gouvernement ou l’une des chambres
du Parlement, selon le cas, sur les projets et propositions de lois
et sur les projets de textes règlementaires, ainsi que les conventions
et les pactes internationaux relevant de son domaine de compétences.
Certes, ce Conseil n’est toujours pas opérationnel (!),
alors que le texte de loi N°78-14 le concernant est publié depuis trois (3)
ans, preuve du peu d’intérêt accordé à ce qui concerne l’enfance par les
instances concernées !! Mais il n’empêche, s’agissant d’un pacte
international, c’est l’occasion de le « ranimer ».
1.3.3- La société
civile[9], dont les
rôles définis dans la Constitution comprennent (Constitution) :
-
Article 12 :
« … Les associations intéressées à la chose publique et les ONG, contribuent,
dans le cadre de la démocratie participative, à l’élaboration, la mise en œuvre
et l’évaluation des décisions et des projets des institutions élues et des
pouvoirs publics … »
-
Article 13 :
« Les pouvoirs publics œuvrent à la création d’instances de
concertation, en vue d’associer les différents acteurs sociaux à
l’élaboration, la mise en œuvre, l’exécution et l’évaluation des politiques
publiques »
Les associations et collectifs[10]
de protection des droits de l’enfant n’ont pas été consultés, préalablement, à
cette décision qui risque, si elle était validée par les deux chambres du
parlement, de faire reculer gravement les droits de l’enfant dans notre pays.
1.4- Les
engagements du Maroc
1.4.1- La
Convention Internationale des droits de l’Enfant (CIDE)
La CIDE a
été approuvée par l’AG de l’ONU, le 20 novembre 1989, et est entrée en vigueur,
le 02 septembre 1990. Notre pays l’a ratifiée, le 21 juin 1993.
Pendant que
le gouvernement propose d’adhérer au vieux « Covenant des droits de
l’enfant en Islam », le monde entier s’apprête à célébrer le 30ème
anniversaire de la CIDE. Coïncidence de calendrier !?
Les
dispositions de la CIDE ont un caractère, volontairement, universel
qui vise à créer les conditions[11]
morales et matérielles de développement harmonieux et d’épanouissement
de l’enfant.
Elle
s’appuie sur quatre principes fondamentaux[12] (4
P) :
1.
Principe de la participation :
L’enfant doit être associé à la prise de toute décision ayant un effet direct
ou indirect sur sa vie quotidienne.
2.
Principe de la non-discrimination :
Il ne doit pas y avoir de discrimination entre les enfants, qu’ils soient de
sexe masculin ou féminin, ou encore de couleur, de religion, de race ou
d’appartenance différente, etc.
3.
Principe de l’intérêt
suprême de l’enfant : Touts les décisions prises pour l’enfant doivent
être d’abord dans son intérêt.
4.
Principe de la
survie et de la croissance : implique, nécessairement, des conditions
essentielles pour assurer la survie de l’enfant (Ex : santé,
hygiène et environnement sain). Pour ce qui est de la croissance, elle
implique tout ce qui est nécessaire pour l’mélioration des capacités de
l’enfant pour qu’il puisse croître de façon naturelle (Ex : éducation,
enseignement, loisirs, jeux, etc.)
Ainsi, le
but des dispositions de la CIDE est d’accompagner un enfant dans sa
construction[13]
et non de le façonner, dans une démarche de reproduction de
« modèle ».
Nous
verrons plus loin qu’elle diffère, dans l’esprit et dans la lettre, du « Covenant
de l’OCI », qui pourtant s’y réfère en son préambule §2 !!
Parmi les
nombreuses divergences toutes aussi importantes les unes que les autres, à
titre d’exemple, celle sur l’âge pose un réel problème d’harmonisation et de
mise en œuvre, s’agissant de la définition de base de « l’enfant ».
Car, dans son article 1, la CIDE précise que « … , un enfant
s'entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la
majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est
applicable ». Cette précision aura constitué un repère précieux dans tout
ce qui concerne le développement ultérieur de conventions des autres
organisations de l’ONU et autres pactes en matière de droits de l’enfant.
1.4.2- Convention
internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale[14]
Cette
convention adoptée par l'AG de l’ONU, le 21 décembre 1965, est entrée en
vigueur, le 4 janvier 1969, et a été ratifiée par notre pays, le 18 décembre
1970.
Elle se
réfère, dans son préambule à la Charte de l’ONU : « Considérant
que la Charte des Nations Unies est fondée sur les principes de la dignité
et de l'égalité de tous les êtres humains, et que tous les Etats Membres se
sont engagés à agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec
l'Organisation, en vue d'atteindre l'un des buts des Nations Unies, à savoir :
développer et encourager le respect universel et effectif des droits de l'homme
et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe,
de langue ou de religion »
Le critère
« enfant musulman » retenu par le « Covenant
de l’OCI » est contraire aux dispositions de cette convention ratifiée par
notre pays, depuis près d’un demi-siècle.
1.4.3- La
constitution
Les orientations et
la politique de notre pays en matière des Droits Humains sont définies dans le préambule
de la Constitution :
§3 : « Mesurant l’impératif de renforcer le rôle qui lui
revient sur la scène internationale, le Royaume du Maroc … réaffirme son attachement aux Droits de
l’Homme tels qu’ils sont universellement reconnus »
§ 4 : « … le Royaume du Maroc réaffirme et s’y engage :
-
Alinéa 7 :
Protéger et promouvoir les dispositifs des Droits de l’Homme
… ;
-
Alinéa 8 :
Bannir et combattre toute discrimination à l’encontre de quiconque, en
raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de
l’origine sociale ou régionale, de la langue, du handicap ou de quelque
circonstance personnelle que ce soit ;
-
Alinéa 9 :
Accorder aux conventions internationales dûment ratifiés par lui, dans
le cadre des dispositions de la Constitution et des lois du Royaume, dans le
respect de son identité nationale immuable, et dès la publication de ces
conventions, la primauté sur le droit interne du pays,
et harmoniser en conséquence les dispositions pertinentes de sa législation nationale.
et harmoniser en conséquence les dispositions pertinentes de sa législation nationale.
1.4.4-
Autres textes nationaux
D’autres
contradictions et reculs par rapport aux dispositions de textes nationaux,
dont, principalement, le Code de la famille, ont été traités par Nouzha
Guessous dans un article publié, le 30.08.2019 dans la quotidien marocain
l’Economiste[15]
1.4.5- Espace
juridique commun / Conseil de l’Europe - Union européenne
Notre pays
a intégré, souverainement en 2012 « l’Espace Juridique Commun » créé
par l’Union Européenne. La collaboration qui s’en est suivie est décrite comme
suit sur le site web du Conseil de l’Europe[16] :
« ... Dans le domaine des droits de l’homme par
exemple, le Maroc a adopté une loi instituant l’APALD, l’autorité pour
la parité et la lutte contre les discriminations, tout en essayant de consolider
les droits des enfants et les moyens de les protéger contre toutes formes
de violences en adoptant une politique intégrée de protection de l’enfant (PPIPE[17]).
Le Maroc a également montré son souhait de se rapprocher des standards du
Conseil de l’Europe en ratifiant plusieurs de ses Conventions et Accords
partiels. »
Cet
engagement vaut, concrètement, convention, compte tenu des relations de notre
pays avec l’Union Européenne, d’une part, et des domaines d’action retenus, qui
concernent explicitement « la
lutte contre les discriminations » et
« la protection de l’enfant », d’autre part.
Connaissant
les références et les dispositions européennes en la matière, il y a lieu de
penser que les divergences avec le « Covenant de l’OCI » risquent
d’être aussi importantes qu’avec la CIDE.
1.5- L’impossible
mise en œuvre
En plus des
divergences fondamentales entre le « Covenant de l’OCI » et nos
engagements internationaux, d’une part, et avec la Constitution et la
législation de notre pays, d’autre part, il ne sera pas aisé, voire impossible,
de mettre en œuvre les dispositions de ce textes.
Malgré la
révision annoncée par l’OCI, il y a fort à craindre que les changements ne
touchent pas aux fondements de ce texte. Il est construit « pour les
enfants musulmans » sur le mélange entre le droit et la théologie,
l’éducation de l’enfant et son « cadrage » et conditionne tous
droits de l’enfant à la conformité avec la charia et au contrôle islamique.
Quant à la
hiérarchie des traités et les procédures de recours, dans un article fort
pertinent publié sur le site web febrair.com, Aziz Idamine[18]
a examiné la décision du gouvernement, principalement, sur la base des
dispositions de la « Convention de Vienne sur le droit des traités[19] »
de 1969, de la « Charte de l’ONU[20] »
et autres références normatives et juridiques internationales.
Il en a
conclu que, par-delà la hiérarchie des traités qui vide de sens la décision du
gouvernement, la crainte est la complexification et la multiplication des
procédures de recours au système onusien des droits humains.
Ainsi,
l’action des promoteurs de cette adhésion serait une démarche machiavélique de
celles et ceux qui, sous couvert de légalité, tentent de contrarier l’évolution
positive de notre pays en matière des droits humains, en général, et des droits
de la femme et de l’enfant, en particulier !!
Nous n’avons pas oublié que, suivant le même comportement, elles/ils avaient
réussi à faire légaliser, jusqu’en août 2023, l’exploitation dans notre pays des
« petites bonnes » âgées de 16-17 ans, en faisant reculer de six[21]
(6) années son interdiction, dans le cadre de la Loi 19.12 « règlementant
les conditions d’emploi et de travail des travailleur(e)s domestiques »
votée en 2016.
Chacun(e)
appréciera, mais, compte tenu de ce qui précède, la présentation de cette
décision d’adhésion en ce moment de l’année et en une conjoncture politique
particulière pourrait laisser croire qu’elle obéit à des considérations
d’alliances géostratégiques qui réduisent les droits de l’enfant à une variable
d’ajustement, d’où son inutilité pour notre pays qui a besoin de se préoccuper
d’approfondir nos acquis en droits de la femme et de l’enfant, au lieu de
s’aligner sur des « partenaires » qui en sont très loin.
2. Le
contenu commenté
Le texte du « Covenant des Droits de l’Enfant en Islam » a été
adopté par la 32ème Conférence des ministres des Affaires étrangères
des Etats islamiques qui s’était réunie du 28 au 30 juin 2005 à Sanaa au Yémen.
Il avait été
précédé par "La Déclaration sur les droits et la protection de l’enfant
dans le monde islamique » adoptée par le 7ème Sommet islamique
réuni à Casablanca, en décembre 1994[22].
1. Le préambule
Le
préambule donne le ton et fixe le cadre idéologique de définition des droits de
l’enfant et de leur encadrement. Il montre que l’OCI a une « approche
théologique » de problèmes des droits humains.
-
Les Etats parties
au Covenant se réfèrent aux principes et valeurs de l’Islam et réaffirment « le
rôle historique et civilisationnel » de la « Oumma Islamia »
ainsi que sa contribution aux efforts internationaux afférents aux droits de
l’homme.
-
Ils rappellent leur
conviction que « les droits fondamentaux et les libertés publiques en
Islam font partie intégrante de la religion musulmane et que nul n’a le droit de
les suspendre, de les violer ou de les ignorer »
-
Ils réaffirment le
rôle central de la cellule familiale, « premier maillon de l’édifice social »,
dans l’encadrement de l’enfant et « les droits de l’enfant dans la
charia islamique et ses prescriptions, tout en tenant compte des législations
internes des Etats et en respectant les droits des enfants issus des minorités
et des communautés non musulmanes, affirmant ainsi les droits humains que les
enfants musulmans et non-musulmans ont en partage »
Or, force est de
constater que plus d’un article qui suivent ne traitent que des droits des
enfants musulmans ; ce qui en dit long sur le soubassement idéologique de
ce texte, voire le caractère discriminatoire vis-à-vis des enfants
non-musulmans !
2. Les bases
Article 1 : Définition de l’enfant
"un
enfant s’entend de tout être humain n’ayant pas atteint l’âge de la majorité
en vertu de la législation qui lui est applicable".
Cette
« définition » n’en est pas une. Elle crée une « distinction/discrimination
basée sur l’âge légal » entre les ressortissant(e)s des différents Etats
membres.
Cette
disposition ambiguë sur « l’âge » pourrait constituer un obstacle[23]
aux revendications et aux recours des ONG dans les Etats parties.
Le Covenant
fixe sept (7) objectifs :
1. Protéger la famille (2 conjoints) pour lui permettre de « s’acquitter
de leurs obligations relatives à l’éducation et à l’épanouissement physique,
psychique et morale des enfants »
2. Assurer une enfance saine et tranquille et la formation de « générations
d’enfants musulmans qui croient en Dieu, s’attachent à leur foi, … et
aient conscience de leur appartenance à la civilisation islamiques ».
Cet objectif n’inclut pas les enfants non-musulmans !?
3. Concerne l’attention à accorder aux enfants pour « former des générations
utiles à leur société »
4. « Généraliser l’enseignement[24]
de base obligatoire et l’enseignement secondaire gratuit au profit de tous les
enfants sans aucune distinction …. ; de développer l’enseignement à
travers la promotion des programmes d’enseignement et le recyclage des
enseignants et en créant des opportunités de formation professionnelle ».
5. Concerne les conditions d’épanouissement de l’enfant
6. Concerne la prise en compte des enfants « ayant des besoins
particuliers et ceux confrontés à des situations difficiles »
7. « Apporter l’assistance et le soutien possible aux enfants
musulmans aux quatre coins de la planète ». Ainsi, les enfants
non-musulmans seraient-ils exclus de l’aide aux quatre coins de la planète !?
Article 3 : Principes
Cet article
est sensé préciser les fondements de la démarche de l’OCI en matière de
protection de l’enfant lui consacre 2 principes sur 6 !!
1. * Respecter « les dispositions de la charia islamique et les
législations internes des Etats membres ».
2. * Respecter « les objectifs et les principes de l’OCI ».
3. Accorder « haute priorité aux droits et aux intérêts des enfants
… »
Le Covenant
ne se réfère pas explicitement à la notion de « Intérêt supérieur de
l’enfant », qui est une notion de Droit international introduite par
la CIDE.
4. L’égalité « entre les enfants en matière de protection, de
droits et de devoirs »
5. * « La non-ingérence dans les affaires internes des Etats membres
de l’O.C.I »
6. * Le respect « des constantes culturelles et civilisationnelles
de la Oumma Islamia »
(*) Les principes génériques 1, 2, 5 et 6 figurent dans la
Charte[25]
et dans d’autres documents de l’OCI. Ils ne concernent pas directement et
spécifiquement les droits de l’enfant qui l’objet du Covenant.
Article 4 : Obligations des Etats
Dans cet
article, il est demandé aux Etats adhérents de « s’efforcer[26] »
à respecter les obligations suivantes ; ce qui leur donne un caractère
volontariste :
1. « Respecter les droits énoncés et les mettre en œuvre …
conformément à leurs procédures internes. »
2. « Respecter les responsabilités et les droits des parents, des
tuteurs et des autres personnes responsables de l’enfant conformément à
leur législation interne et à l’intérêt de l’enfant. »
Dans cet
article, le concept « intérêt suprême de l’enfant » n’est pas
utilisé.
3. « Abroger les coutumes, traditions et pratiques incompatibles
avec la Charia Islamia et avec les droits et obligations énoncés dans le
présent Covenant »
L’abrogation
énoncée dans ce paragraphe pourrait concerner des pratiques en cours dans des
pays musulmans : mariage forcé/subi des mineur(e)s, excision des filles.
Par contre,
en raison de la prolifération de courants obscurantistes et de prédicateur(e)s
autoproclamé(e)s, cette disposition pourrait constituer un réel danger pour
les enfants, en particulier « non-musulmans ».
Article 5 : L’égalité
Au titre de
cet article, les Etats adhérents doivent garantir « l’égalité entre
tous les enfants pour jouir des droits et libertés énoncés dans le Covenant sans
aucune distinction basée sur le genre, l'origine, la race, la religion, la
langue, l'appartenance politique ou toute autre considération préjudiciable à
l'enfant, à la famille ou au représentant légal de l'enfant. »
L’énoncé de cet
article aurait pu être rassurant s’il n’était pas en contradiction avec les
paragraphes 2 (enfants musulmans qui croient en Dieu) et 7 (l’assistance
et le soutien possible aux enfants musulmans aux quatre coins de la planète) l’article
2 (Objectifs), ci-avant.
3. Les droits de l’enfant
Les droits
(explicites) de l’enfant sont traités dans les articles 6 à 21 (16 articles
sur 26) :
·
Article 6 :
Droit à la vie
Curieusement, cet
article traite de l’interdiction de l’avortement,
qui est un sujet bien plus large et qui concerne, principalement, la femme.
Voir la consultation élargie organisée par le CNDH[27]
au premier semestre 2015.
A ce propose, l’OCI, lors de la 7ème
Conférence ministérielle de 2018[28], a pris la résolution
suivante sur l’autonomisation de
la femme :
(L’OCI) « INVITE les Etats membres à accorder tout l'intérêt
requis à la santé reproductive de la
femme
en mettant à sa disposition des services de santé génétique et des moyens adéquats pour le contrôle des naissances et d'éviter le recours aux sages-femmes non-qualifiées de manière à préserver la santé de la mère et de l'enfant, et en veillant à procéder aux examens prénuptiaux et à faire évoluer les capacités du personnel de la santé afin de pouvoir fournir des prestations de protection maternelle et infantile de qualité »
en mettant à sa disposition des services de santé génétique et des moyens adéquats pour le contrôle des naissances et d'éviter le recours aux sages-femmes non-qualifiées de manière à préserver la santé de la mère et de l'enfant, et en veillant à procéder aux examens prénuptiaux et à faire évoluer les capacités du personnel de la santé afin de pouvoir fournir des prestations de protection maternelle et infantile de qualité »
Or, « La santé reproductive, qui s’inscrit dans le cadre de la
santé telle qu’elle est définie par l’OMS[29]
[1], s’intéresse aux mécanismes de la procréation et au fonctionnement de
l’appareil reproducteur à tous les stades de la vie.
Elle implique la possibilité d’avoir une sexualité responsable,
satisfaisante et sûre ainsi que la liberté pour les personnes de choisir
d'avoir des enfants si elles le souhaitent et quand elles désirent.
Cette conception de la santé génésique suppose que les femmes et les
hommes puissent choisir des méthodes de régulation de la fécondité sûres,
efficaces, abordables et acceptables, que les couples puissent avoir accès à
des services de santé appropriés permettant aux femmes d'être suivies pendant
leur grossesse et offrant ainsi aux couples la chance d’avoir un enfant en
bonne santé. »
[1] un état de complet bien-être physique, mental et social, et
[qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.
·
Article 7 :
Identité
Cet article
traite du « droit à un prénom » et à la « détermination
d’une filiation »
En son
troisième paragraphe qui concerne « l’enfant à filiation inconnue »,
il exclut l’adoption !
·
Article 8 :
Cohésion familiale
En son
paragraphe 3, cet article se réfère à « l’intérêt supérieur de
l’enfant » (au pluriel !)
·
Article 9 :
Libertés individuelles
Cet article
traite des « restrictions et contrôle islamiques » à
la liberté de l’enfant ! :
1. Expression d’opinion : « Tout enfant capable de
discernement, selon son âge et son degré de maturité, a le droit
d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, soit par la
parole, par l’écrit ou tout autre moyen légal, sans incompatibilité avec les
préceptes de la charia Islamia et les règles de conduite »
2. Respect de la vie privée : « Tout enfant a droit au
respect de sa vie privée. Néanmoins, il appartient aux deux parents ou aux
représentants légaux de l’enfant d’exercer un contrôle islamique raisonnable
sur le comportement de celui-ci … »
·
Article 10 :
Liberté d’association
Restrictions
islamiques : « Tout enfant a le droit de former et d’adhérer à
toute association civile pacifique sous réserve des restrictions
prévues par la charia et les textes législatifs et règlementaires de son
pays, en fonction de son âge et, d’une manière générale, qui n’ait pas
d’incidence sur son comportement, sa santé, sa famille et son patrimoine. »
1. « L’éducation saine est un droit de l’enfant ».
L’assistance
aux parents sera assurée dans la mesure des moyens de l’Etat !!
Bien
entendu, il n’est pas donné de définition d’éducation saine, dans le
texte. Et pour cause, ce qualificatif vide de sens rappelle celui de « art
propre/art sale » propagé par des groupes sur les réseaux sociaux qui
sont tout sauf progressistes.
·
Article 12 :
Enseignement et culture
1. « Chaque enfant a droit à l’enseignement de base obligatoire
et gratuit qui lui permet d’apprendre les principes de l’éducation islamique
(de la foi et de la charia selon les cas) et lui apporte les moyens nécessaires
au développement de ses facultés mentales, psychiques et physiques de manière à
lui permettre de s’ouvrir aux critères communs des civilisations humaines »
2. « Les Etats ont l’obligation d’assurer :
b. Enseignement secondaire gratuit de manière progressive … à la portée de
tous, .. délai de 10 ans
d. Le droit de l’enfant de revêtir des vêtements conformes à sa croyance
en observant, en cela la charia, les bonnes mœurs et la pudeur.
Ce
paragraphe, dans un article qui traite de l’enseignement et la culture,
consolide la thèse du caractère religieux de l’habit qui occupe
l’opinion, depuis un (trop) long moment, et semble concerner, dans ce contexte,
le hijab et autre burqa !!
·
Article 13 :
Heures de repos et activités
3. Les deux parents ou le responsable légal de l’enfant doivent superviser
l’exercice par l’enfant des activités de son choix, conformément aux
dispositions du présent article et dans le respect des principes éducatifs,
religieux et éthiques.
Le souci de
contrôle omniprésent dans le texte est illustré par des répétitions qui relèvent
du pléonasme.
·
Article 14 :
Niveau de vie sociale
Les Etats
doivent garantir : mesures garde et entretien, sécurité sociale, baisse de
tarif des prestations, niveau de vie pour favoriser épanouissement et mesures
nécessaires pour obliger parents et tuteur à pourvoir à l’entretien de l’enfant.
Il reste
entendu que tout cela est suivant les moyens des concerné(e)s.
·
Article 15 :
Santé de l’enfant
L’enfant a
droit à la protection sanitaire, tant au plan physique que psychologique.
2. « Le droit de l’enfant à un allègement, dans son intérêt, de
certaines dispositions de la charia judiciaires applicables à sa nourrice
légale et son droit à l’ajournement, dans non intérêt, de certaines peines
prononcées à l’encontre de la nourrice ainsi qu’à l’allègement des charges
professionnelles et à la réduction des heures de travail de la femme enceinte
ou allaitant un enfant. »
5. « Le droit de l’enfant mâle à la circoncision »
L’emploi du
qualificatif « handicapé » a été abandonné, bien avant
l’adoption du Covenant de l’OCI en 2005, et remplacé par « personne
en situation d’handicap » qui sont des « personnes à
besoins spécifiques ». Le titre de l’article n’est par conséquent pas
approprié.
1. « Droit a assistante spéciale » adéquate.
2. « Protection et réhabilitation » pour favoriser
intégration dans la société.
·
Article 17 :
Protection de l’enfant
2. Interdiction de toute forme de torture ou de traitement inhumain ou
dégradant … contre le rapt et le trafic d’enfants
3. Contre l’exploitation sexuelle.
4. Contre les facteurs d’aliénation culturelle, intellectuelle, médiatique
et des télécommunications incompatibles avec la charia islamique ou contraires
aux intérêts nationaux des Etats parties.
5. Contre la participation aux conflits armés.
·
Article 18 : Travail
de l’enfant
1. « L’enfant ne doit exercer aucune activité comprenant des
risques ou susceptible d’entraver son éducation ou son enseignement, de nuire à
sa santé ou d’empêcher son développement physique ou spirituel »
2. « Chaque Etat fixe, dans sa législation interne, l’âge minimum,
les horaires et les conditions du travail de l’enfant, et prévoit des sanctions
à l’encontre des contrevenants »
Il est
curieux que la formulation de cet article soit aussi basique.
Car, au moment de l’adoption du « Convenant OCI », en 2005, les
conditions de travail des enfants avaient fait l’objet de plusieurs actions à
l’échelle internationale pour favoriser la mise en œuvre de conventions et recommandations
de l’OIT[30]
et pour avancer sur de nombreux domaines d’exploitation des enfants[31],
dont le travail domestique.
·
Article 19 : Justice
1. « Aucun enfant ne peut être privé de sa liberté qu’en vertu de
la loi et pour une durée appropriée et limitée.
2. « L’enfant privé de sa liberté doit être traité dignement, dans
le respect des droits et des libertés fondamentales de l’homme, et ne tenant
compte des besoins des personnes de son âge.
3. « Les Etats parties veillent à …. Prendre
toutes les mesures pour protéger l’enfant
·
Article 20 : Responsabilités
des deux parents et protection contre les pratiques nuisibles
2. « Les deux parents ou le responsable légal et les Etats parties
doivent, en conformité avec la loi et d’une façon qui ne soit pas contraire à la
charia islamique, protéger l’enfant contre les pratiques et les coutumes
nuisibles …
·
Article 21 : Enfants
réfugiés
« Les
Etats parties doivent – dans la mesure du possible – assurer aux enfants
réfugiés ou assimilés la jouissance des droits prévus dans le présent covenant
et dans le cadre de leurs législations nationales »
La mention
redondante « dans la mesure du possible » qui revient dans
plusieurs articles diminue de la portée du texte, surtout qu’elle est utilisée
chaque fois que l’Etat est appelé à prendre des responsabilité nécessitant
prise en charge.
4. La mise en œuvre
·
Article 24 : Mécanisme
de mise en œuvre
1. « Les Etats parties au présent covenant conviennent de créer une
commission islamique des droits de l’enfant. Cette commission sera
composée des représentants de tous les Etats parties. Elle se réunira,
au siège du Secrétariat Général de l’OCI, une fois tous les deux ans, à
compter de la date de l’entrée en vigueur du présent convenant, en vue d’examiner
les progrès réalisés dans la mise en œuvre du covenant.
2. « Les délibérations de la réunion sont régies par les règles de
procédure applicables aux réunions de l’OCI. Le quorum légal est réuni avec la
présence de deux tiers des Etats parties au présent convenant »
Il s’agit,
par conséquent, d’un mécanisme flou, traité de manière succincte, voire expéditive
qui le réduit à une simple procédure administrative, alors qu’il s’agit
d’un texte traitant d’un sujet de grande importance :
a) La mission de la Commission[32]
n’est pas précisée : Examiner le progrès !?
b) Sa composition comprend des représentants des Etats, au lieu d’experts internationaux
reconnus, indépendants pour garantir son efficacité, son impartialité dans les
évaluations et dans les propositions loin de l’influence des Etats, comme il
est d’usage à l’ONU.
c) Le mode de suivi et évaluation n’est pas défini : missions sur le
terrain, relations avec les ONG nationales et internationales, rapports
périodiques (type ONU) ou par mission.
d) Compatibilité du travail d’évaluation avec « interdiction
d’ingérence » prévue à l’article 3, principe 5.
e) La fréquence de deux années pour les réunions de la commission
montrerait le peu d’importance qu’accorde l’OCI aux problèmes de l’enfance.
Omar EL KINDI
[2]
L’OCI utilise « Covenant (عهد) » et non
« Convention (اتفاقية) » https://www.oic-oci.org/page/?p_id=130&p_ref=16&lan=fr
[7] Loi 76.15 relative à la réorganisation du
CNDH – BO 662 du 05.04.2018
[8]
Loi 78-14 relative au Conseil de la famille et de l’enfance – BO 6469 du
01.09.2016
[9]
Constitution du royaume du Maroc - 2011
[11] Préambule de la CIDE : §5, 6 et 7
[12]
Guide des droits de l’enfant – UNICEF / Ministère de la Justice - Maroc 2007
[13]
Préambule de la CIFDE : §5
[17]
Ce programme commencé en 2011 et
lancé en grande pompe en 2013 est loin d’avoir atteint les objectifs fixés au
grand dam de la société civile qui s’y était grandement investie.
[21]
Une année pour publier les textes d’application de la Loi 19.12 et une période
de « transition » de cinq années.
[23]
Exemple : Collectif marocain
« Pour l’éradication de l’exploitation des mineur(e)s dans le travail
domestique »
[24] Cet objectif rappelle, curieusement, les
débats actuels dans notre pays et en d’autres lieux sur la gratuité de
l’enseignement et sur la formation professionnelle !!
[26]
Employer tous les moyens dont on dispose, en faisant des efforts, tâcher,
essayer, tenter, etc.
[28] Ouagadougou
(Burkina Fasso) – 30.11 au 01.12.2018 – Thème « L’autonomisation des
femmes dans les Etats membres de l’OCI : défis et perspectives » - Résolution 15/7-F
[32]
Lors de la 38ème Session du Conseil des ministres des Affaires étrangères,
tenue à Astana, au Kazakhstan, du 28 au 30 juin 2011, l’OCI a adopté le statut
et lancé une « Commission Permanente Indépendante des Droits de l’Homme (CPIDH) ». Il n’est pas indiqué, dans la présentation
de cette commission, d’axe de travail sur les droits de l’enfant !!