mardi 14 avril 2020

06.04 - Covid 19 : L'enfant est plus vulnérable. Les ONG françaises alertent


Lettre ouverte de plusieurs organisations, dont la LDH[1]

Journée internationale des droits de l'enfant 2020 – ZAKWELI 
Paris, le 6 avril 2020
Madame la ministre, garde des Sceaux,
Monsieur le secrétaire d’État en charge de la protection de l’enfance,
Nos organisations tiennent à vous alerter sur la situation des enfants en cette période de confinement. Alors qu’ils sont particulièrement vulnérables et qu’une attention particulière devrait leur être accordée, ils sont en réalité les grands oubliés. Au risque de leur faire encourir de graves dangers. En cette période de crise, nous constatons que les rôles et places de chacun des acteurs, tant en protection de l’enfance qu’en matière pénale sont brouillés, tant et si bien que ces missions pourtant essentielles ne sont plus assurées au mieux des intérêts des enfants et des adolescents. Les ordonnances prises dans le domaine de la justice, en matière civile comme pénale, ne nous semblent pas de nature à résoudre les difficultés, mais au contraire à les aggraver.
S’agissant de la protection de l’enfance vous avez, Monsieur le secrétaire d’État, adressé une lettre le 21 mars dernier aux présidents des conseils départementaux dans laquelle vous avez listé les activités vous semblant devoir être intégrées dans les plans de continuation d’activité des départements : cellule de recueil des informations préoccupantes, interventions de protection de l’enfance à domicile, permanence éducative téléphonique à destination des assistants familiaux, prise en charge au-delà des 18 ans pour éviter toute remise à la rue de jeunes majeurs non autonomes et adaptation des missions de la PMI.
Vous y avez également mentionné la priorité qui devait être donnée à la mise à l’abri des mineurs isolés étrangers, quand bien même les conditions d’évaluation de leur minorité seraient perturbées, la mise à l’abri devant dès lors être systématique. Toutes ces préconisations, que nous rejoignons, avaient pour but, selon vos propres termes, de rappeler que « les enfants en danger et les enfants protégés doivent faire l’objet d’une vigilance encore plus forte afin que l’urgence sanitaire à laquelle nous sommes confrontés ne conduise pas à aggraver leur situation ».
Et pourtant…
Nous constatons que les situations sont très disparates selon les départements et dans nombre d’entre eux ces priorités ne sont pas assurées.
Les services de prévention et de protection de l’enfance, que ce soit dans le cadre administratif ou judiciaire, fonctionnent essentiellement par téléphone. Alors même que ce seul contact par téléphone apparaît insuffisant, il est en outre mis à mal la plupart du temps, par l’absence de matériel professionnel mis à disposition des équipes.
La crise sanitaire conduisant également de nombreux foyers à solliciter des mainlevées de mesures, voire les contraignant à fermer, certains enfants reviennent à domicile dans des conditions mal préparées et sans aucun accompagnement éducatif effectif, ou bien sont brutalement réorientés vers d’autres structures.
L’accès aux soins est mis à mal et les services de la protection maternelle infantile ne paraissent pas partout en état de fonctionner.
En cette périodel’école ne peut que difficilement jouer son rôle habituel de détection des situations de danger, nous nous inquiétons particulièrement des capacités collectives, à les détecter et donc à apporter une protection effective aux enfants concernés.
Enfin, la situation des mineurs isolés étrangers demeure la plus préoccupante, ces derniers ne sachant vers qui se tourner pour être mis à l’abri, beaucoup sont à la rue. Une décision de la CEDH a d’ailleurs été nécessaire pour enjoindre un département à prendre un mineur en charge.
Si nous avons pu espérer que l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale apporterait quelques garde-fous en matière d’assistance éducative, il n’en est rien.
L’ordonnance donne la possibilité aux juges des enfants de prononcer des non-lieux à assistance éducative sans audience et sans recueil des observations des parties. Ainsi, des mineurs isolés étrangers risquent fortement de se voir refuser le bénéfice de mesures d’assistance éducative sans avoir eu l’occasion d’être défendus et de faire valoir leurs observations.
Par ailleurs, nous ne pouvons que déplorer que cette ordonnance oublie l’enfant comme sujet de droit.
Il n’est à nul endroit prévu le recueil de ses observations ou son audition alors-même que l’enfant discernant est partie à la procédure et que son droit à être entendu est un principe consacré par la Convention internationale des droits de l’enfant.
Pourtant, les décisions qui pourront être prises par les juges des enfants, sans contradictoire réel, et pour de trop longues durées, seront lourdes de conséquences : prolongation des mesures d’assistance éducative de plein droit jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, (sans que l’on sache s’il sera levé le 24 mai prochain); renouvellements de mesures pouvant aller jusqu’à neuf mois pour les placements, un an pour les mesures de milieu ouvert, sur le fondement d’un rapport éducatif, dont il n’est en nul endroit prévu les modalités effectives de communication aux parties, ou d’accès au dossier.
Par ailleurs, le recueil de l’avis écrit d’un seul parent, sans prise en compte de l’avis de l’enfant dans les mêmes conditions, vient à l’encontre de l’exercice de l’autorité parentale conjointe, qui pourtant est et doit rester la règle, à l’exception de situations particulièrement graves (telles les violences avérées d’un parent).
L’état d’urgence sanitaire ne justifie pas une telle disproportion dans l’atteinte aux droits des parties.
Concernant la prise en charge de la délinquance des enfants et des adolescents, nous faisons malheureusement des constats tout aussi pessimistes.
En effet, la grande majorité des professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse n’ont pas les moyens matériels et techniques permettant un accompagnement à distance, dans le respect des mesures sanitaires, et le maintien d’un lien effectif et suivi avec les enfants et les adolescents, pour lesquels l’entretien uniquement téléphonique s’avère parfois totalement inadapté.
En détention, la situation apparaît dramatique et force est de constater l’insuffisance des moyens de protection pour éviter une propagation du virus – les gestes « barrière » étant très difficiles à respecter, une promiscuité en promenade, des activités quasi à l’arrêt et une privation complète des contacts avec les familles, ce qui rend l’enfermement d’autant plus insupportable.
Si des structures de type foyers ou centres fermés ont vu leurs effectifs diminuer pour des solutions alternatives, pour autant, les lieux d’incarcération des mineurs sont encore trop pleins, comme en témoignent les chiffres de la région Île de France, où les établissements accueillant des mineurs étaient à saturation jusqu’il y a quelques jours et ne se vident que très lentement.
Les mineurs isolés étrangers sont particulièrement touchés par cette situation carcérale lourde, subissant parfois des transferts d’établissement intempestifs et obtenant peu de mises en liberté, faute de solutions alternatives adaptées en cette période de crise sanitaire.
L’ordonnance du n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale accroît ces difficultés, en permettant notamment une prolongation de droit de la détention provisoire pour les plus de 16 ans encourant plus de sept ans d’emprisonnement.
Nous déplorons que cette ordonnance n’ait pas davantage fait primer l’éducatif, ni garanti la spécificité et la moindre sévérité pour les enfants par rapport aux majeurs. Il est à notre sens très préoccupant et peu compréhensible que pour plusieurs dispositions (prolongation de garde à vue qui peut intervenir sans présentation devant le magistrat compétent, prorogation automatique de la détention provisoire), certains mineurs puissent se voir appliquer les mêmes règles que les majeurs, règles pourtant particulièrement dérogatoires aux droits de la défense et aux libertés. Il est à noter d’ailleurs que toutes les mesures plutôt favorables portant sur les remises de peine concernent en réalité peu de mineurs, qui restent à 80% placés sous le régime de la détention provisoire.
Par ailleurs, les seules règles spécifiquement prévues pour les mineurs, à savoir la prolongation automatique des mesures de placement (pour 4 mois), et des mesures éducatives (pour 7 mois) sans débat, ne garantissent pas le respect des droits particulièrement en ce que les placements en centre éducatif fermé n’ont pas été explicitement exclus et que ces durées sont excessives. Nous nous interrogeons ici aussi sur la notion de rapport éducatif au regard de l’absence de matériel professionnel d’une grande partie des personnels de la PJJ susmentionnée.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, Madame la ministre, Monsieur le secrétaire d’État, nos organisations espèrent que de nouvelles mesures, que ce soit sur un plan matériel ou juridique, pourront être rapidement prises pour garantir la protection des enfants et des adolescents durant cette crise sanitaire.
Nous appelons également à en tirer d’ores et déjà des enseignements pour l’avenir, cette crise étant venue confirmer et mettre au jour, le délabrement général des services de prévention, de protection de l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse sur lequel nous vous avions plusieurs fois alertés.
Si les places en foyer n’étaient pas aussi difficiles à trouver et suffisamment diversifiées en temps normal, si les moyens humains, matériels et techniques de tous les acteurs étaient suffisants, peut-être aurions-nous pu éviter une telle imprévisibilité.
Aussi, nous espérons que cela sera le chantier prioritaire de l’après-état d’urgence sanitaire, plutôt qu’une réforme non consensuelle du droit pénal des mineurs, notamment en redéployant les moyens substantiels actuellement dévolus aux lieux privatifs de liberté vers les services de prévention, de la protection de l’enfance, de la protection judiciaire de la jeunesse et les tribunaux pour enfants.
En vous remerciant de l’attention portée à ce courrier, nous vous assurons, Madame la ministre, Monsieur le secrétaire d’État, de notre plus haute considération.
Signataires :
Avocats conseil d’entreprise (ACE), Barreau de Paris, Confédération générale du travail (CGT), Conférence des bâtonniers, Conseil national des barreaux (CNB), Convention nationale des associations de protection de l’Enfant (CNAPE), Fédération des conseils de parents d’élèves Paris (FCPE75), Fédération nationale des unions de jeunes avocats (FNUJA), Fédération SUud santé sociaux, Fédération syndicale unitaire (FSU), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Observatoire international des prisons Section Française (OIP-SF), Syndicat des avocats de France (Saf), Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (SNEPAP-FSU), Syndicat national des personnels de l’éducation et du social – PJJ (SNPES-PJJ/FSU), Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique (SNUASFP-FSU), la FSU territoriale(SNUTER-FSU), Solidaires Justice, Union syndicale Solidaires.

NB : L'illustration ne figure pas sur le document diffusé par la LDH

07.04 - Covid 19 : Les stratégies de "déconfinement" en schémas


Les enjeux du « déconfinement » expliqués en schémas[1]

Covid-19: 29 cas au Maroc | L'Economiste
La perspective de la fin du confinement pose des questions, comme l’avantage d’une levée progressive, le risque d’une deuxième vague ou, enfin, que faire si on ne peut pas éradiquer le virus ?
La question à se poser sur la fin du confinement n’est pas seulement « quand », mais aussi « comment ». Car, au fil des semaines, se dessine un scénario beaucoup plus complexe qu’une levée pure et simple des mesures mises en place en France contre le Covid-19 depuis le 17 mars à midi.
Le confinement, qui sera « probablement » prolongé au-delà du 15 avril, ne pourra être interrompu « que de façon progressive », a prévenu, jeudi 2 avril, le premier ministre, Edouard Philippe. Si les modalités de sortie de cette situation exceptionnelle sont encore loin d’être fixées en France, il est acquis que la menace du coronavirus SARS-CoV-2 planera sur la durée, posant de nombreuses questions.
Que se passe-t-il si on lève le confinement d’un coup ?
Le confinement a été décidé dans un contexte de propagation exponentielle du virus. Mi-mars, on estime que chaque malade pouvait contaminer en moyenne trois personnes.
En limitant les contacts, on réduit le nombre de contaminations. Si le confinement est efficace, on devrait donc observer dans le courant du mois d’avril une stabilisation, puis une baisse du nombre de malades. On aura alors franchi le « pic épidémique ».


 
















Notre décryptage visuel : à quoi sert le confinement ?
Cette bonne nouvelle augure pourtant de difficultés futures. Une sortie brutale et mal préparée du confinement pourrait bien relancer l’épidémie. Une bonne partie des confinés seront en effet contagieux – parfois même sans le savoir, car une grande partie des porteurs du virus n’ont aucun symptôme. Si elles se mêlent au reste de la population, ces personnes risquent d’en contaminer d’autres et, ainsi, de relancer la diffusion du virus.
Sans compter que le problème ne s’arrête pas aux frontières de la France. Même si le virus disparaissait du territoire national, il risquerait d’être de nouveau importé par des personnes en provenance de l’étranger. Il suffirait alors d’une poignée de cas pour que l’épidémie reparte en flèche.
C’est ce que l’on appelle le risque de « deuxième vague ».
Ce rebond pourrait aussi bien survenir immédiatement après le déconfinement que longtemps après. Dans l’hypothèse – pour l’instant assez improbable – où le coronavirus refluerait cet été en raison de la chaleur, il pourrait tout à fait refaire son apparition l’hiver prochain, par exemple.
Alors quelles solutions pour éradiquer le virus ?
Si l’on vise une disparition complète du SARS-CoV-2, il faut que la population soit immunisée – c’est-à-dire que le système immunitaire des gens soit préparé à résister à une nouvelle agression du virus. Or, seules les personnes qui ont été en contact avec le virus – et qui ont survécu – ont produit les anticorps nécessaires à cette protection.
Il existe en théorie une seconde possibilité qui « force » les choses : la vaccination. On introduit une forme inactive ou atténuée du virus dans l’organisme du patient, pour stimuler ses défenses. Cela lui permet de développer une immunité sans avoir été malade :
Le problème est que nous n’avons pour l’instant pas de vaccin contre le SARS-CoV-2 – et que malgré les efforts des chercheurs, celui-ci n’arrivera probablement pas avant au moins un an. On ne peut donc compter pour l’instant que sur la protection naturelle des personnes déjà contaminées.
Heureusement, il n’est pas nécessaire que l’ensemble de la population soit immunisé pour éviter que le virus circule de manière épidémique. Selon les spécialistes, une proportion de l’ordre de 60 % à 70 % de la population pourrait suffire dans le cas du SARS-CoV-2.
C’est ce qu’on appelle l’« immunité de groupe » : au-delà d’un certain niveau de protection dans la population (variable d’une maladie infectieuse à l’autre), la diffusion du virus est efficacement freinée. C’est ainsi que de nombreuses maladies ont (presque) disparu grâce à la vaccination d’une grande partie de la population.
Se contenter d’attendre que la population atteigne le seuil de l’immunité collective est une option très risquée : cela supposerait qu’au moins 40 millions de Français soient infectés, ce qui pourrait engendrer des centaines de milliers de morts. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas, initialement partisans de cette stratégie, s’en sont d’ailleurs récemment détournés. Dans l’Union européenne, seule la Suède mise encore sur l’immunité collective pour traverser la crise sanitaire sans imposer de confinement.
Autre problème : il n’y a encore aucune certitude sur la durée de l’immunité acquise par les personnes guéries du Covid-19. Se compte-t-elle plutôt en semaines, en mois, en années ? Il est trop tôt pour le dire, d’autant qu’il n’est pas impossible que la souche du SARS-CoV-2 mute et donc remette en cause l’immunité des personnes ayant été infectées – de la même façon que la grippe saisonnière évolue régulièrement.
Que faire si on ne peut pas éradiquer le virus ?
S’il n’est pas possible de faire complètement disparaître le virus, il reste un plan B : tenter d’en limiter la propagation et les conséquences.
·      Traiter les malades
La première solution est évidemment de rechercher des traitements pour soigner les malades. Cela aurait plusieurs intérêts :
1.   Réduire le nombre de cas graves et mortels ;
2.   Limiter la durée des hospitalisations, donc désengorger les hôpitaux ;
3.   Utiliser des traitements « préventifs » pour réduire la charge virale dans l’organisme des malades, donc leur contagiosité.
De grands essais cliniques sont en cours pour tenter d’identifier les meilleures stratégies médicales contre le virus : la fameuse hydroxychloroquine, bien sûr, mais aussi d’autres traitements moins connus, comme le remdesivir, du laboratoire Gilead, ou le Kaletra (lopinavir et ritonavir), du laboratoire AbbVie. Les résultats ne seront toutefois pas connus avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
·      Etaler l’épidémie
Si on part du principe qu’une grande partie de la population va de toute façon être infectée et que certains développeront des formes graves de la maladie, on peut au moins essayer d’étaler l’épidémie dans le temps, pour éviter la surcharge des hôpitaux. Plus on « aplatit la courbe », plus on soulage les services de réanimation.
Cette stratégie, c’est celle du confinement généralisé actuellement choisie par le gouvernement français et de nombreux autres pays du monde. Mais comme elle ne pourra pas durer éternellement, plusieurs pistes sont envisageables pour la suite.
·      Le « stop-and-go »
Plutôt que de prolonger le confinement pendant des mois, on pourrait alterner des périodes de confinement et des périodes de retour à la « normale ». Dans une telle logique, le confinement serait remis en place à chaque poussée de l’épidémie, pour limiter la saturation des hôpitaux. Et ce, jusqu’à ce qu’on ait trouvé un vaccin ou atteint l’« immunité de groupe ». C’est ce que les experts appellent le « stop-and-go ».
Cette seule stratégie présenterait cependant le risque de placer les populations face à une longue série de périodes de confinement. Une étude prépubliée le 24 mars par des chercheurs de Harvard estime ainsi qu’en l’absence d’autres facteurs, des mesures de distanciation sociale pourraient être nécessaires jusqu’en 2022 aux Etats-Unis.
·      Le confinement localisé
Il s’agirait de lever le confinement dans les régions qui ont passé le pic de l’épidémie et dans lesquelles les hôpitaux ne sont plus saturés. A l’inverse, le confinement sera maintenu dans les foyers actifs, où le risque de contagion est plus fort. Si la situation s’améliore nettement dans les régions les plus fortement touchées en premier, comme l’Ile-de-France et le Grand-Est actuellement, celles-ci pourraient alors figurer parmi les premières à sortir du confinement. Cette piste semble être envisagée par le gouvernement, qui travaille sur « la faisabilité d’un déconfinement qui serait régionalisé », selon Edouard Philippe. L’académie nationale de médecine l’envisage également dans un communiqué publié dimanche 5 avril.
Reste à savoir comment l’Etat pourrait contrôler les mouvements de population entre les régions, qui n’ont bien évidemment pas de postes-frontières. Dans un tel scénario, il semble probable que les transports ferroviaires et aériens seraient maintenus à un niveau très faible, pour décourager les déplacements.
·      Le confinement ciblé
L’idée serait de diviser la population en deux. On maintiendrait en confinement :
1.   Les malades, pour éviter qu’ils ne transmettent le virus ;
2.   Les populations les plus à risque en cas d’infection : personnes âgées et fragiles, patients souffrant de problèmes respiratoires, femmes enceintes, etc.
On « déconfinerait » :
1.   Les personnes immunisées, qui ne sont plus contagieuses ;
2.   Les populations les moins à risque, qui ont moins de chances de développer des formes sévères de la maladie.
Ainsi, on construirait progressivement une « immunité de groupe » en limitant le nombre de morts.
Cette stratégie, séduisante sur le papier, peut se révéler compliquée dans la pratique.
Tout d’abord, il ne faut pas sous-estimer les conséquences sociales et psychologiques d’un confinement de la population à long terme et la difficulté à le faire accepter. Mais surtout, le confinement ciblé n’est pas infaillible, car il faut bien que des soignants s’occupent des personnes isolées. Ainsi, malgré des précautions drastiques, le virus s’est largement répandu dans les Ehpad français, avec au moins 2 189 morts selon le dernier décompte, diffusé le 6 avril.
Ensuite, plusieurs exemples ont malheureusement montré qu’être jeune et en bonne santé ne garantit pas d’être complètement protégé contre les formes graves de la maladie.
Enfin, si on lève le confinement pour des porteurs sains du virus qui, faute de symptômes, ignorent qu’ils sont contagieux, ils risquent de contaminer le reste de la population.
·      Le dépistage à grande échelle avec traçage et isolement
C’est pour cela que de nombreux pays envisagent une stratégie plus fine, sur le modèle sud-coréen, qui repose sur trois piliers : dépistage massif, isolement des personnes infectées et suivi de leurs contacts.
Un dépistage à grande échelle de la population française permettrait d’identifier :
1.   Les porteurs actifs du virus (qui devraient rester isolés, car contagieux)
2.   Les personnes non infectées (potentiellement à risque)
3.   Les personnes immunisées (qui pourraient sortir)
Reste à savoir si la France a les moyens de conduire des millions de tests – surtout qu’il faudra les réitérer à échéances régulières pour tester à nouveau les non-porteurs. A ce jour, par manque de moyens, les autorités sanitaires ont fait le choix de ne tester que les cas sévères. Il faudrait pourtant aussi le faire avec les patients ayant peu ou pas de symptômes pour mesurer l’« immunité de groupe ». Si le gouvernement ambitionne d’augmenter sensiblement le nombre de tests dans les prochaines semaines, il n’est pas certain que cela suffise.
Le deuxième pilier consiste à mettre en place un suivi des personnes infectées. L’idée est de remonter la chaîne des contacts récents du patient pour détecter les personnes à qui il a pu transmettre le virus, afin de les dépister à leur tour ou de les isoler par précaution.
Un tel travail d’analyse des « clusters de contamination » a été conduit au cas par cas par les autorités sanitaires au début de l’épidémie, mais il est plus difficile à réaliser à grande échelle. C’est pourquoi le gouvernement envisage de proposer un « traçage numérique », par le biais d’une application mobile. Mais plutôt que d’imposer un tel système, comme l’ont fait Taïwan ou la Corée du Sud, il propose un suivi sur la base du volontariat, afin de respecter la protection de la vie privée.
·      Le maintien des mesures de « distanciation sociale »
Même si le confinement est levé, partiellement ou complètement, il est envisageable que les mesures de distanciation sociale soient maintenues, comme l’interdiction des grands rassemblements, la fermeture des écoles ou des bars.
Il est aussi possible d’imposer le port du masque dans l’espace public, comme l’ont fait plusieurs pays d’Europe centrale.
Quoi qu’il en soit, il sera déterminant de conserver le plus longtemps possible les « gestes barrières » pour limiter les risques de contamination et le retour à « la vie d’avant » n’est pas pour tout de suite, comme a prévenu Edouard Philippe : « C’est un combat long, difficile, qui impliquera de mauvaises nouvelles, des déceptions. »

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