mardi 27 août 2019

"Covenant des droits de l'enfant en Islam" de l'OCI, un recul inacceptable




Le Covenant des droits de l’enfant en Islam
DE L’UNIVERSEL AU PARTICULIER,
UN RECUL INACCEPTABLE


Contribution à un plaidoyer nécessaire « pour des droits universels des enfants »
Version 2 - 11.09.2019 - Omar El Kindi – omar.elkindi@gmail.com
                                                                                       


Le jeudi 22 août 2019[1], en pleines vacances d’été (!) et après une longue série de journées fériées et/ou chômées, le conseil de gouvernement a approuvé le projet de loi N° 58.19 relative à l’adhésion de notre pays au « Covenant[2] des Droits de l’Enfant en Islam » de décembre 2005. Cette décision incongrue a été, immédiatement, contestée par la société civile[3] et les individus[4] épris des droits de l’enfant qui l’ont qualifiée de recul incompréhensible et inacceptable par rapport à nos engagements internationaux, à nos textes nationaux et à nos ambitions en matière de droits de l’enfant.
Le Secrétaire général du Parti du Progrès et du Socialisme[5], puis son Bureau politique, pourtant partie du gouvernement, ont contesté le projet de Loi 58.19 et l’ont qualifiée de « bévue »
Pour contribuer aux échanges en cours sur le contenu dudit « Covenant de l’OCI » et la pertinence de la décision du gouvernement, le présent document a pour objet de présenter une lecture linéaire commentée de ce texte. Elle pourrait, enrichie par l’apport d’autres acteur(e)s, servir à éclairer les politiques et l’opinion publique sur le caractère incongru et injustifié de cette décision.
1. La non-pertinence de la décision 
1.1- Un Covenant sans régressif
Comme nous le verrons, plus loin, le « Covenant des Droits de l’Enfant en Islam » n’apporte aucune valeur ajoutée à la protection de l’enfant dans notre pays. Pire, il introduit des divergences avec plusieurs textes sur la protection de l’enfant, dont la « Convention Internationale des Droits de l’Enfant[6] (CIDE) » que notre pays a ratifiée depuis plus d’un quart de siècle et que le monde entier devrait célébrer don 30ème anniversaire, le 20 novembre de cette année.
La référence récurrente, voire redondante, à la « Charia islamique » et au « Contrôle islamique » donne au texte de l’OCI un caractère de « manuel pour rigoriste » pour enfants musulman(e) et crée, de fait, une discrimination envers les enfants « non-musulmans » en totale contradiction avec l’universalité des dispositions de CIDE.
La prise en compte dans le « Covenant OCI » des enfants « en situation d’handicap » et celle des enfants « réfugiés » sont contenues, de meilleure manière, dans différents textes législatifs et règlementaires dont notre pays s’est doté.
1.2- La caducité du texte de 2005
 Le « Covenant des Droits de l’Enfant en Islam » a été adopté par la 32ème Conférence des ministres des Affaires étrangères des Etats islamiques qui s’était réunie du 28 au 30 juin 2005 à Sanaa au Yémen.
Or, la Commission Permanente Indépendante des Droits de l’homme (CPIDH) de l’OCI, réunie à Djeddah, du 15 au 19 avril 2018 (13èmme session) a recommandé de « Réviser le Pacte de l’OCI relatif aux droits de l’enfant en Islam pour renforcer les droits des enfants dans les Etas membres » !!
Une sous-commission constituée à cet effet s’est réunie à Djeddah, le 1er décembre 2018.
Le Conseil des ministres des affaires étrangères des pays de l’OCI, réuni en Abu Dhabi, les 01 et 02 mars 2019, soit il y a, donc, moins de six mois, a validé la proposition de la CPIDH !!
Ainsi, le gouvernement a décidé de présenter un projet de loi pour adhérer à un texte, en cours de refonte par l’OCI qui pourrait être, à terme, considéré caduc et qui plus est n’apporte rien d’important en la matière !!
Cela est d’autant plus surprenant que la Présidence de ladite CPIDH est présidée par notre compatriote la Professeure Raja Naji Al Makkawi, depuis son élection, lors de la 44ème session du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’OCI, tenue les 10 et 11 juillet à Abidjan 2017 (Côte d’Ivoire).
De deux choses l’une, ou notre gouvernement ne savait pas et il serait, pour le moins, fort incompétent, ou il savait et il serait tout aussi incompétent. Car, comment, dans le premier cas, avoir une compatriote à la présidence de la Commission et ne pas être au courant de ce qui s’y passe !! Dans le second cas, comment essayer de passer un texte sans consulter, préalablement, les instances constitutionnelles idoines et la société civile !! Car, qu’on se le dise, ce texte représente une négation des fondements des droits de l’enfant adoptés par notre pays, à travers nos engagements internationaux et dans nos propres textes législatifs et règlementaires
1.3- La démarche du gouvernement !!
Il existe dans notre pays, depuis 2011, des instances constitutionnelles dotées de prérogatives précises et des procédures pour ce qui concerne la protection des droits de l’enfant, qui ont été ignorées par le gouvernement dans la préparation de son projet de loi N° 58.19. :
1.3.1- Le Conseil National des Droits Humains[7] (Loi 76.15), dont les missions comprennent :
-      Article 24 : Examen de la cohérence d’une telle adhésion avec les Conventions internationales déjà ratifiées par notre pays et celles auxquelles il a adhéré.
-      Article 18 : Mise en œuvre du « Mécanisme national de recours pour les enfants victimes de violation de leurs droits »
Le CNDH n’a pas été consulté par le Gouvernement. Il appartiendra aux deux chambres du parlement de rattraper cette anomalie / dysfonctionnement en le consultant pour apporter son éclairage d’expert et de « gardien du temple des droits humains ».
1.3.2- Le Conseil Consultatif de la Famille et de l’Enfance[8] (Loi 78-14), dont les missions comprennent :
-      Article 2 §2 : Le suivi de l’harmonisation de la législation et des programmes nationaux concernant l’enfance et la famille avec les engagements internationaux du Maroc tels que ratifiés par lui.
-      Article 2 §4 : Donner son avis, à la demande du gouvernement ou l’une des chambres du Parlement, selon le cas, sur les projets et propositions de lois et sur les projets de textes règlementaires, ainsi que les conventions et les pactes internationaux relevant de son domaine de compétences.
Certes, ce Conseil n’est toujours pas opérationnel (!), alors que le texte de loi N°78-14 le concernant est publié depuis trois (3) ans, preuve du peu d’intérêt accordé à ce qui concerne l’enfance par les instances concernées !! Mais il n’empêche, s’agissant d’un pacte international, c’est l’occasion de le « ranimer ».
1.3.3- La société civile[9], dont les rôles définis dans la Constitution comprennent (Constitution) :
-      Article 12 : « … Les associations intéressées à la chose publique et les ONG, contribuent, dans le cadre de la démocratie participative, à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des décisions et des projets des institutions élues et des pouvoirs publics … »
-      Article 13 : « Les pouvoirs publics œuvrent à la création d’instances de concertation, en vue d’associer les différents acteurs sociaux à l’élaboration, la mise en œuvre, l’exécution et l’évaluation des politiques publiques »
Les associations et collectifs[10] de protection des droits de l’enfant n’ont pas été consultés, préalablement, à cette décision qui risque, si elle était validée par les deux chambres du parlement, de faire reculer gravement les droits de l’enfant dans notre pays.
1.4- Les engagements du Maroc
1.4.1- La Convention Internationale des droits de l’Enfant (CIDE)
La CIDE a été approuvée par l’AG de l’ONU, le 20 novembre 1989, et est entrée en vigueur, le 02 septembre 1990. Notre pays l’a ratifiée, le 21 juin 1993.
Pendant que le gouvernement propose d’adhérer au vieux « Covenant des droits de l’enfant en Islam », le monde entier s’apprête à célébrer le 30ème anniversaire de la CIDE. Coïncidence de calendrier !?
Les dispositions de la CIDE ont un caractère, volontairement, universel qui vise à créer les conditions[11] morales et matérielles de développement harmonieux et d’épanouissement de l’enfant.
Elle s’appuie sur quatre principes fondamentaux[12] (4 P) :
1.    Principe de la participation : L’enfant doit être associé à la prise de toute décision ayant un effet direct ou indirect sur sa vie quotidienne.
2.    Principe de la non-discrimination : Il ne doit pas y avoir de discrimination entre les enfants, qu’ils soient de sexe masculin ou féminin, ou encore de couleur, de religion, de race ou d’appartenance différente, etc.
3.    Principe de l’intérêt suprême de l’enfant : Touts les décisions prises pour l’enfant doivent être d’abord dans son intérêt.
4.    Principe de la survie et de la croissance : implique, nécessairement, des conditions essentielles pour assurer la survie de l’enfant (Ex : santé, hygiène et environnement sain). Pour ce qui est de la croissance, elle implique tout ce qui est nécessaire pour l’mélioration des capacités de l’enfant pour qu’il puisse croître de façon naturelle (Ex : éducation, enseignement, loisirs, jeux, etc.)
Ainsi, le but des dispositions de la CIDE est d’accompagner un enfant dans sa construction[13] et non de le façonner, dans une démarche de reproduction de « modèle ».
Nous verrons plus loin qu’elle diffère, dans l’esprit et dans la lettre, du « Covenant de l’OCI », qui pourtant s’y réfère en son préambule §2 !!
Parmi les nombreuses divergences toutes aussi importantes les unes que les autres, à titre d’exemple, celle sur l’âge pose un réel problème d’harmonisation et de mise en œuvre, s’agissant de la définition de base de « l’enfant ». Car, dans son article 1, la CIDE précise que « … , un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable ». Cette précision aura constitué un repère précieux dans tout ce qui concerne le développement ultérieur de conventions des autres organisations de l’ONU et autres pactes en matière de droits de l’enfant.
1.4.2- Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale[14]
Cette convention adoptée par l'AG de l’ONU, le 21 décembre 1965, est entrée en vigueur, le 4 janvier 1969, et a été ratifiée par notre pays, le 18 décembre 1970.
Elle se réfère, dans son préambule à la Charte de l’ONU : « Considérant que la Charte des Nations Unies est fondée sur les principes de la dignité et de l'égalité de tous les êtres humains, et que tous les Etats Membres se sont engagés à agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec l'Organisation, en vue d'atteindre l'un des buts des Nations Unies, à savoir : développer et encourager le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion »
Le critère « enfant musulman » retenu par le « Covenant de l’OCI » est contraire aux dispositions de cette convention ratifiée par notre pays, depuis près d’un demi-siècle.
1.4.3- La constitution
Les orientations et la politique de notre pays en matière des Droits Humains sont définies dans le préambule de la Constitution :
§3 : « Mesurant l’impératif de renforcer le rôle qui lui revient sur la scène internationale, le Royaume du Maroc …  réaffirme son attachement aux Droits de l’Homme tels qu’ils sont universellement reconnus »
§ 4 : « … le Royaume du Maroc réaffirme et s’y engage :
-      Alinéa 7 : Protéger et promouvoir les dispositifs des Droits de l’Homme … ;
-      Alinéa 8 : Bannir et combattre toute discrimination à l’encontre de quiconque, en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de l’origine sociale ou régionale, de la langue, du handicap ou de quelque circonstance personnelle que ce soit ;
-      Alinéa 9 : Accorder aux conventions internationales dûment ratifiés par lui, dans le cadre des dispositions de la Constitution et des lois du Royaume, dans le respect de son identité nationale immuable, et dès la publication de ces conventions, la primauté sur le droit interne du pays,
et harmoniser en conséquence les dispositions pertinentes de sa législation nationale.
1.4.4- Autres textes nationaux
D’autres contradictions et reculs par rapport aux dispositions de textes nationaux, dont, principalement, le Code de la famille, ont été traités par Nouzha Guessous dans un article publié, le 30.08.2019 dans la quotidien marocain l’Economiste[15]
1.4.5- Espace juridique commun / Conseil de l’Europe - Union européenne
Notre pays a intégré, souverainement en 2012 « l’Espace Juridique Commun » créé par l’Union Européenne. La collaboration qui s’en est suivie est décrite comme suit sur le site web du Conseil de l’Europe[16] :
« ... Dans le domaine des droits de l’homme par exemple, le Maroc a adopté une loi instituant l’APALD, l’autorité pour la parité et la lutte contre les discriminations, tout en essayant de consolider les droits des enfants et les moyens de les protéger contre toutes formes de violences en adoptant une politique intégrée de protection de l’enfant (PPIPE[17]). Le Maroc a également montré son souhait de se rapprocher des standards du Conseil de l’Europe en ratifiant plusieurs de ses Conventions et Accords partiels. »
Cet engagement vaut, concrètement, convention, compte tenu des relations de notre pays avec l’Union Européenne, d’une part, et des domaines d’action retenus, qui concernent explicitement « la lutte contre les discriminations » et « la protection de l’enfant », d’autre part.
Connaissant les références et les dispositions européennes en la matière, il y a lieu de penser que les divergences avec le « Covenant de l’OCI » risquent d’être aussi importantes qu’avec la CIDE.
1.5- L’impossible mise en œuvre
En plus des divergences fondamentales entre le « Covenant de l’OCI » et nos engagements internationaux, d’une part, et avec la Constitution et la législation de notre pays, d’autre part, il ne sera pas aisé, voire impossible, de mettre en œuvre les dispositions de ce textes.
Malgré la révision annoncée par l’OCI, il y a fort à craindre que les changements ne touchent pas aux fondements de ce texte. Il est construit « pour les enfants musulmans » sur le mélange entre le droit et la théologie, l’éducation de l’enfant et son « cadrage » et conditionne tous droits de l’enfant à la conformité avec la charia et au contrôle islamique.
Quant à la hiérarchie des traités et les procédures de recours, dans un article fort pertinent publié sur le site web febrair.com, Aziz Idamine[18] a examiné la décision du gouvernement, principalement, sur la base des dispositions de la « Convention de Vienne sur le droit des traités[19] » de 1969, de la « Charte de l’ONU[20] » et autres références normatives et juridiques internationales.
Il en a conclu que, par-delà la hiérarchie des traités qui vide de sens la décision du gouvernement, la crainte est la complexification et la multiplication des procédures de recours au système onusien des droits humains.
Ainsi, l’action des promoteurs de cette adhésion serait une démarche machiavélique de celles et ceux qui, sous couvert de légalité, tentent de contrarier l’évolution positive de notre pays en matière des droits humains, en général, et des droits de la femme et de l’enfant, en particulier !!
Nous n’avons pas oublié que, suivant le même comportement, elles/ils avaient réussi à faire légaliser, jusqu’en août 2023, l’exploitation dans notre pays des « petites bonnes » âgées de 16-17 ans, en faisant reculer de six[21] (6) années son interdiction, dans le cadre de la Loi 19.12 « règlementant les conditions d’emploi et de travail des travailleur(e)s domestiques » votée en 2016.
Chacun(e) appréciera, mais, compte tenu de ce qui précède, la présentation de cette décision d’adhésion en ce moment de l’année et en une conjoncture politique particulière pourrait laisser croire qu’elle obéit à des considérations d’alliances géostratégiques qui réduisent les droits de l’enfant à une variable d’ajustement, d’où son inutilité pour notre pays qui a besoin de se préoccuper d’approfondir nos acquis en droits de la femme et de l’enfant, au lieu de s’aligner sur des « partenaires » qui en sont très loin.
2. Le contenu commenté 
Le texte du « Covenant des Droits de l’Enfant en Islam » a été adopté par la 32ème Conférence des ministres des Affaires étrangères des Etats islamiques qui s’était réunie du 28 au 30 juin 2005 à Sanaa au Yémen.
Il avait été précédé par "La Déclaration sur les droits et la protection de l’enfant dans le monde islamique » adoptée par le 7ème Sommet islamique réuni à Casablanca, en décembre 1994[22].
1. Le préambule
Le préambule donne le ton et fixe le cadre idéologique de définition des droits de l’enfant et de leur encadrement. Il montre que l’OCI a une « approche théologique » de problèmes des droits humains.
-      Les Etats parties au Covenant se réfèrent aux principes et valeurs de l’Islam et réaffirment « le rôle historique et civilisationnel » de la « Oumma Islamia » ainsi que sa contribution aux efforts internationaux afférents aux droits de l’homme.
-      Ils rappellent leur conviction que « les droits fondamentaux et les libertés publiques en Islam font partie intégrante de la religion musulmane et que nul n’a le droit de les suspendre, de les violer ou de les ignorer »
-      Ils réaffirment le rôle central de la cellule familiale, « premier maillon de l’édifice social », dans l’encadrement de l’enfant et « les droits de l’enfant dans la charia islamique et ses prescriptions, tout en tenant compte des législations internes des Etats et en respectant les droits des enfants issus des minorités et des communautés non musulmanes, affirmant ainsi les droits humains que les enfants musulmans et non-musulmans ont en partage »
Or, force est de constater que plus d’un article qui suivent ne traitent que des droits des enfants musulmans ; ce qui en dit long sur le soubassement idéologique de ce texte, voire le caractère discriminatoire vis-à-vis des enfants non-musulmans !
2. Les bases
Article 1 : Définition de l’enfant
"un enfant s’entend de tout être humain n’ayant pas atteint l’âge de la majorité en vertu de la législation qui lui est applicable".
Cette « définition » n’en est pas une. Elle crée une « distinction/discrimination basée sur l’âge légal » entre les ressortissant(e)s des différents Etats membres.
Cette disposition ambiguë sur « l’âge » pourrait constituer un obstacle[23] aux revendications et aux recours des ONG dans les Etats parties.

Le Covenant fixe sept (7) objectifs :
1.   Protéger la famille (2 conjoints) pour lui permettre de « s’acquitter de leurs obligations relatives à l’éducation et à l’épanouissement physique, psychique et morale des enfants »
2.   Assurer une enfance saine et tranquille et la formation de « générations d’enfants musulmans qui croient en Dieu, s’attachent à leur foi, … et aient conscience de leur appartenance à la civilisation islamiques ». Cet objectif n’inclut pas les enfants non-musulmans !?
3.   Concerne l’attention à accorder aux enfants pour « former des générations utiles à leur société »
4.   « Généraliser l’enseignement[24] de base obligatoire et l’enseignement secondaire gratuit au profit de tous les enfants sans aucune distinction …. ; de développer l’enseignement à travers la promotion des programmes d’enseignement et le recyclage des enseignants et en créant des opportunités de formation professionnelle ».
5.   Concerne les conditions d’épanouissement de l’enfant
6.   Concerne la prise en compte des enfants « ayant des besoins particuliers et ceux confrontés à des situations difficiles »
7.   « Apporter l’assistance et le soutien possible aux enfants musulmans aux quatre coins de la planète ». Ainsi, les enfants non-musulmans seraient-ils exclus de l’aide aux quatre coins de la planète !?
Article 3 : Principes
Cet article est sensé préciser les fondements de la démarche de l’OCI en matière de protection de l’enfant lui consacre 2 principes sur 6 !!
1.   * Respecter « les dispositions de la charia islamique et les législations internes des Etats membres ».
2.   * Respecter « les objectifs et les principes de l’OCI ».
3.   Accorder « haute priorité aux droits et aux intérêts des enfants … »
Le Covenant ne se réfère pas explicitement à la notion de « Intérêt supérieur de l’enfant », qui est une notion de Droit international introduite par la CIDE.
4.   L’égalité « entre les enfants en matière de protection, de droits et de devoirs »
5.   * « La non-ingérence dans les affaires internes des Etats membres de l’O.C.I »
6.   * Le respect « des constantes culturelles et civilisationnelles de la Oumma Islamia »
(*) Les principes génériques 1, 2, 5 et 6 figurent dans la Charte[25] et dans d’autres documents de l’OCI. Ils ne concernent pas directement et spécifiquement les droits de l’enfant qui l’objet du Covenant.
 Article 4 : Obligations des Etats
Dans cet article, il est demandé aux Etats adhérents de « s’efforcer[26] » à respecter les obligations suivantes ; ce qui leur donne un caractère volontariste :
1.   « Respecter les droits énoncés et les mettre en œuvre … conformément à leurs procédures internes. »
2.   « Respecter les responsabilités et les droits des parents, des tuteurs et des autres personnes responsables de l’enfant conformément à leur législation interne et à l’intérêt de l’enfant. »
Dans cet article, le concept « intérêt suprême de l’enfant » n’est pas utilisé.
3.   « Abroger les coutumes, traditions et pratiques incompatibles avec la Charia Islamia et avec les droits et obligations énoncés dans le présent Covenant »
L’abrogation énoncée dans ce paragraphe pourrait concerner des pratiques en cours dans des pays musulmans : mariage forcé/subi des mineur(e)s, excision des filles.
Par contre, en raison de la prolifération de courants obscurantistes et de prédicateur(e)s autoproclamé(e)s, cette disposition pourrait constituer un réel danger pour les enfants, en particulier « non-musulmans ».
Article 5 : L’égalité
Au titre de cet article, les Etats adhérents doivent garantir « l’égalité entre tous les enfants pour jouir des droits et libertés énoncés dans le Covenant sans aucune distinction basée sur le genre, l'origine, la race, la religion, la langue, l'appartenance politique ou toute autre considération préjudiciable à l'enfant, à la famille ou au représentant légal de l'enfant. »
L’énoncé de cet article aurait pu être rassurant s’il n’était pas en contradiction avec les paragraphes 2 (enfants musulmans qui croient en Dieu) et 7 (l’assistance et le soutien possible aux enfants musulmans aux quatre coins de la planète) l’article 2 (Objectifs), ci-avant.
3. Les droits de l’enfant
Les droits (explicites) de l’enfant sont traités dans les articles 6 à 21 (16 articles sur 26) :
·     Article 6 : Droit à la vie
Curieusement, cet article traite de l’interdiction de l’avortement, qui est un sujet bien plus large et qui concerne, principalement, la femme. Voir la consultation élargie organisée par le CNDH[27] au premier semestre 2015.
A ce propose, l’OCI, lors de la 7ème Conférence ministérielle de 2018[28], a pris la résolution suivante sur l’autonomisation de la femme :
(L’OCI) « INVITE les Etats membres à accorder tout l'intérêt requis à la santé reproductive de la femme
en mettant à sa disposition des services de santé génétique et des moyens adéquats pour le contrôle des naissances et d'éviter le recours aux sages-femmes non-qualifiées de manière à préserver la santé de la mère et de l'enfant, et en veillant à procéder aux examens prénuptiaux et à faire évoluer les capacités du personnel de la santé afin de pouvoir fournir des prestations de protection maternelle et infantile de qualité
 »
Or, « La santé reproductive, qui s’inscrit dans le cadre de la santé telle qu’elle est définie par l’OMS[29] [1], s’intéresse aux mécanismes de la procréation et au fonctionnement de l’appareil reproducteur à tous les stades de la vie.
Elle implique la possibilité d’avoir une sexualité responsable, satisfaisante et sûre ainsi que la liberté pour les personnes de choisir d'avoir des enfants si elles le souhaitent et quand elles désirent.
Cette conception de la santé génésique suppose que les femmes et les hommes puissent choisir des méthodes de régulation de la fécondité sûres, efficaces, abordables et acceptables, que les couples puissent avoir accès à des services de santé appropriés permettant aux femmes d'être suivies pendant leur grossesse et offrant ainsi aux couples la chance d’avoir un enfant en bonne santé. »
[1] un état de complet bien-être physique, mental et social, et [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.
·     Article 7 : Identité
Cet article traite du « droit à un prénom » et à la « détermination d’une filiation »
En son troisième paragraphe qui concerne « l’enfant à filiation inconnue », il exclut l’adoption !
·     Article 8 : Cohésion familiale
En son paragraphe 3, cet article se réfère à « l’intérêt supérieur de l’enfant » (au pluriel !)
·     Article 9 : Libertés individuelles
Cet article traite des « restrictions et contrôle islamiques » à la liberté de l’enfant ! :
1.   Expression d’opinion : « Tout enfant capable de discernement, selon son âge et son degré de maturité, a le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, soit par la parole, par l’écrit ou tout autre moyen légal, sans incompatibilité avec les préceptes de la charia Islamia et les règles de conduite »
2.   Respect de la vie privée : « Tout enfant a droit au respect de sa vie privée. Néanmoins, il appartient aux deux parents ou aux représentants légaux de l’enfant d’exercer un contrôle islamique raisonnable sur le comportement de celui-ci … »
·     Article 10 : Liberté d’association
Restrictions islamiques : « Tout enfant a le droit de former et d’adhérer à toute association civile pacifique sous réserve des restrictions prévues par la charia et les textes législatifs et règlementaires de son pays, en fonction de son âge et, d’une manière générale, qui n’ait pas d’incidence sur son comportement, sa santé, sa famille et son patrimoine. »

1.   « L’éducation saine est un droit de l’enfant ».
L’assistance aux parents sera assurée dans la mesure des moyens de l’Etat !!
Bien entendu, il n’est pas donné de définition d’éducation saine, dans le texte. Et pour cause, ce qualificatif vide de sens rappelle celui de « art propre/art sale » propagé par des groupes sur les réseaux sociaux qui sont tout sauf progressistes.
·     Article 12 : Enseignement et culture
1.   « Chaque enfant a droit à l’enseignement de base obligatoire et gratuit qui lui permet d’apprendre les principes de l’éducation islamique (de la foi et de la charia selon les cas) et lui apporte les moyens nécessaires au développement de ses facultés mentales, psychiques et physiques de manière à lui permettre de s’ouvrir aux critères communs des civilisations humaines »
2.   « Les Etats ont l’obligation d’assurer :
b.   Enseignement secondaire gratuit de manière progressive … à la portée de tous, .. délai de 10 ans
d.   Le droit de l’enfant de revêtir des vêtements conformes à sa croyance en observant, en cela la charia, les bonnes mœurs et la pudeur.
Ce paragraphe, dans un article qui traite de l’enseignement et la culture, consolide la thèse du caractère religieux de l’habit qui occupe l’opinion, depuis un (trop) long moment, et semble concerner, dans ce contexte, le hijab et autre burqa !!
·     Article 13 : Heures de repos et activités
3.   Les deux parents ou le responsable légal de l’enfant doivent superviser l’exercice par l’enfant des activités de son choix, conformément aux dispositions du présent article et dans le respect des principes éducatifs, religieux et éthiques.
Le souci de contrôle omniprésent dans le texte est illustré par des répétitions qui relèvent du pléonasme.
·     Article 14 : Niveau de vie sociale
Les Etats doivent garantir : mesures garde et entretien, sécurité sociale, baisse de tarif des prestations, niveau de vie pour favoriser épanouissement et mesures nécessaires pour obliger parents et tuteur à pourvoir à l’entretien de l’enfant.
Il reste entendu que tout cela est suivant les moyens des concerné(e)s.
·     Article 15 : Santé de l’enfant
L’enfant a droit à la protection sanitaire, tant au plan physique que psychologique.
2.   « Le droit de l’enfant à un allègement, dans son intérêt, de certaines dispositions de la charia judiciaires applicables à sa nourrice légale et son droit à l’ajournement, dans non intérêt, de certaines peines prononcées à l’encontre de la nourrice ainsi qu’à l’allègement des charges professionnelles et à la réduction des heures de travail de la femme enceinte ou allaitant un enfant. »
5.   « Le droit de l’enfant mâle à la circoncision »

L’emploi du qualificatif « handicapé » a été abandonné, bien avant l’adoption du Covenant de l’OCI en 2005, et remplacé par « personne en situation d’handicap » qui sont des « personnes à besoins spécifiques ». Le titre de l’article n’est par conséquent pas approprié.
1.   « Droit a assistante spéciale » adéquate.
2.   « Protection et réhabilitation » pour favoriser intégration dans la société.
·     Article 17 : Protection de l’enfant
2.   Interdiction de toute forme de torture ou de traitement inhumain ou dégradant … contre le rapt et le trafic d’enfants
3.   Contre l’exploitation sexuelle.
4.   Contre les facteurs d’aliénation culturelle, intellectuelle, médiatique et des télécommunications incompatibles avec la charia islamique ou contraires aux intérêts nationaux des Etats parties.
5.   Contre la participation aux conflits armés.
·     Article 18 : Travail de l’enfant
1.   « L’enfant ne doit exercer aucune activité comprenant des risques ou susceptible d’entraver son éducation ou son enseignement, de nuire à sa santé ou d’empêcher son développement physique ou spirituel »
2.   « Chaque Etat fixe, dans sa législation interne, l’âge minimum, les horaires et les conditions du travail de l’enfant, et prévoit des sanctions à l’encontre des contrevenants »
Il est curieux que la formulation de cet article soit aussi basique. Car, au moment de l’adoption du « Convenant OCI », en 2005, les conditions de travail des enfants avaient fait l’objet de plusieurs actions à l’échelle internationale pour favoriser la mise en œuvre de conventions et recommandations de l’OIT[30] et pour avancer sur de nombreux domaines d’exploitation des enfants[31], dont le travail domestique.
 ·     Article 19 : Justice
1.   « Aucun enfant ne peut être privé de sa liberté qu’en vertu de la loi et pour une durée appropriée et limitée.
2.   « L’enfant privé de sa liberté doit être traité dignement, dans le respect des droits et des libertés fondamentales de l’homme, et ne tenant compte des besoins des personnes de son âge.
3.   « Les Etats parties veillent à …. Prendre toutes les mesures pour protéger l’enfant
·     Article 20 : Responsabilités des deux parents et protection contre les pratiques nuisibles
2.   « Les deux parents ou le responsable légal et les Etats parties doivent, en conformité avec la loi et d’une façon qui ne soit pas contraire à la charia islamique, protéger l’enfant contre les pratiques et les coutumes nuisibles …
·     Article 21 : Enfants réfugiés
« Les Etats parties doivent – dans la mesure du possible – assurer aux enfants réfugiés ou assimilés la jouissance des droits prévus dans le présent covenant et dans le cadre de leurs législations nationales »
La mention redondante « dans la mesure du possible » qui revient dans plusieurs articles diminue de la portée du texte, surtout qu’elle est utilisée chaque fois que l’Etat est appelé à prendre des responsabilité nécessitant prise en charge. 

4. La mise en œuvre
·     Article 24 : Mécanisme de mise en œuvre
1.   « Les Etats parties au présent covenant conviennent de créer une commission islamique des droits de l’enfant. Cette commission sera composée des représentants de tous les Etats parties. Elle se réunira, au siège du Secrétariat Général de l’OCI, une fois tous les deux ans, à compter de la date de l’entrée en vigueur du présent convenant, en vue d’examiner les progrès réalisés dans la mise en œuvre du covenant.
2.   « Les délibérations de la réunion sont régies par les règles de procédure applicables aux réunions de l’OCI. Le quorum légal est réuni avec la présence de deux tiers des Etats parties au présent convenant »
Il s’agit, par conséquent, d’un mécanisme flou, traité de manière succincte, voire expéditive qui le réduit à une simple procédure administrative, alors qu’il s’agit d’un texte traitant d’un sujet de grande importance :
a)   La mission de la Commission[32] n’est pas précisée : Examiner le progrès !?
b)   Sa composition comprend des représentants des Etats, au lieu d’experts internationaux reconnus, indépendants pour garantir son efficacité, son impartialité dans les évaluations et dans les propositions loin de l’influence des Etats, comme il est d’usage à l’ONU.
c)    Le mode de suivi et évaluation n’est pas défini : missions sur le terrain, relations avec les ONG nationales et internationales, rapports périodiques (type ONU) ou par mission.
d)   Compatibilité du travail d’évaluation avec « interdiction d’ingérence » prévue à l’article 3, principe 5.
e)   La fréquence de deux années pour les réunions de la commission montrerait le peu d’importance qu’accorde l’OCI aux problèmes de l’enfance.

Omar EL KINDI


[2] L’OCI utilise « Covenant (عهد) » et non « Convention (اتفاقية) » https://www.oic-oci.org/page/?p_id=130&p_ref=16&lan=fr
[7] Loi 76.15 relative à la réorganisation du CNDH – BO 662 du 05.04.2018
[8] Loi 78-14 relative au Conseil de la famille et de l’enfance – BO 6469 du 01.09.2016
[9] Constitution du royaume du Maroc - 2011
[11] Préambule de la CIDE : §5, 6 et 7
[12] Guide des droits de l’enfant – UNICEF / Ministère de la Justice - Maroc 2007
[13] Préambule de la CIFDE : §5
[17] Ce programme commencé en 2011 et lancé en grande pompe en 2013 est loin d’avoir atteint les objectifs fixés au grand dam de la société civile qui s’y était grandement investie.
[21] Une année pour publier les textes d’application de la Loi 19.12 et une période de « transition » de cinq années.
[23] Exemple : Collectif marocain « Pour l’éradication de l’exploitation des mineur(e)s dans le travail domestique »
[24] Cet objectif rappelle, curieusement, les débats actuels dans notre pays et en d’autres lieux sur la gratuité de l’enseignement et sur la formation professionnelle !!
[26] Employer tous les moyens dont on dispose, en faisant des efforts, tâcher, essayer, tenter, etc.
[28] Ouagadougou (Burkina Fasso) – 30.11 au 01.12.2018 – Thème « L’autonomisation des femmes dans les Etats membres de l’OCI : défis et perspectives » - Résolution 15/7-F
[32] Lors de la 38ème Session du Conseil des ministres des Affaires étrangères, tenue à Astana, au Kazakhstan, du 28 au 30 juin 2011, l’OCI a adopté le statut et lancé une « Commission Permanente Indépendante des Droits de l’Homme (CPIDH)  ». Il n’est pas indiqué, dans la présentation de cette commission, d’axe de travail sur les droits de l’enfant !!