22.08.2019 - Ghita Zine - Jouraliste Yabiladi.com
https://www.yabiladi.com/articles/details/82421/maroc-examine-pacte-bloque-convention.html
https://www.yabiladi.com/articles/details/82421/maroc-examine-pacte-bloque-convention.html
Ce jeudi, le
conseil de gouvernement a approuvé l’adhésion du Maroc au Pacte des droits
de l’enfant en Islam. En attendant son examen au Parlement, les acteurs de la
société civile alertent que ce texte représente une régression par rapport
aux engagements internationaux du pays, en tant que pays signataire de la
convention de l’ONU des droits des enfants depuis 1993.
Le Pacte des droits
de l’enfant en Islam, dit également Pacte de l’Organisation de la communauté
islamique[1]
des droits de l’enfant, comptera-t-il un nouveau signataire parmi les pays
membres de l’OCI ? C’est ce que redoutent des acteurs de la société civile
marocaine, puisque le gouvernement El Othmani a approuvé ce jeudi
cette adhésion en appuyant le projet de loi n°58.19 relatif au texte,
adopté en 32e session de l’OCI qui remonte à 2005.
En effet, ils
alertent que le texte est non seulement insuffisant pour la protection des
droits des enfants telle que prévues par le droit positif marocain, mais qu’il
constitue aussi un blocage à la mise en conformité des lois internes avec les
termes de la Convention de l’ONU[2] dans ce sens, huit
ans après l’adoption d’une réforme constitutionnelle donnant la primauté au
droit international.
Le référentiel du Pacte de l’OCI[3], pour les ONG, se
base sur des préceptes islamiques de la charia et non pas sur un
référentiel international reconnu par l’ONU. Par conséquent, il devient
restrictif en termes de protection des enfants dans nombre de cas, à commencer
par celui de l’appartenance religieuse ou la situation sociale de ceux nés
hors-mariage.
Vu ainsi, le Centre
d’études en droits humains et démocratie, une ONG basée à Rabat, a alerté
mercredi sur une situation de blocage qu’il redoute en cas d’adhésion. Il
s’interroge sur les raisons d’une telle initiative dans un contexte marqué par un
débat vif sur l’évolution des mécanismes nationaux de la protection de
l’enfance.
«En 1993, le Maroc a adhéré à la Convention relative aux droits de
l’enfant adoptée par les Nations unies en tant que document contenant les
normes internationales les plus équitables», rappelle l’association dans un communiqué[4]. Celui-ci souligne
aussi «la mise en place de mécanismes permettant le suivi de cette initiative,
qui a contribué positivement au développement législatif [national] en
déteignant sur les politiques publiques, même si elles sont empreintes de
manquements».
«Le gouvernement propose maintenant de se conformer à une norme moins
stricte en termes de normes et de droits, sans aucun mécanisme de suivi
responsable. En quoi cette démarche serait nécessaire, utile et constructive
(…) ?», s’interroge encore le Centre d’études.
Des termes
controversés au regard de la dynamique nationale
En plus de
constituer un blocage à cause de ses contradictions avec les termes de la
Convention internationale des droits des enfants (CIDE), le Pacte de l’OCI
«soulève des questions controversées» qui ont été au cœur «d’un dialogue national
dynamique», notamment sur l’interdiction de l’avortement «sauf si la santé de
la mère et du fœtus est en danger», en plus d’autres questions «litigieuses»
qui peuvent entraver l’évolution de textes comme le Code de la famille,
prévient encore le Centre d’études en droits humains et démocratie.
C’est ce que
redoute le plus Zineb Elkhiati, de son côté. Vice-présidente de la Ligue
marocaine de la protection de l’enfance à Taroudant, l’avocate contactée par
Yabiladi fait part de sa consternation de voir « un projet de loi aussi
problématique examiné aussi facilement ». Elle évoque même « une démarche
catastrophique pour les acquis enregistrés jusqu’ici, mais également le
fonctionnement de structures pour développer la mise en œuvre de la CIDE ».
Travaillant essentiellement
avec les enfants abandonnés par leurs parents ou nés hors-mariage, elle
souligne que l’ensemble de ces cas « bénéficieront de très peu de
protection juridique telle que prévue actuellement, si le Maroc vient à adhérer
au Pacte, alors que nous appelons à davantage d’avancées en
conformité avec la CIDE et de ses protocoles ».
Egalement avocate,
la militante voit ainsi que « ce texte consacre la discrimination et
l’exclusion d’un nombre important d’enfants dans l’accès à leurs droits
élémentaires, sous couvert de religion ». « Compte tenu de ce pacte, les
enfants nés hors-mariage n’auront plus droit à un nom comme la CIDE prévoit le
droit à l’identité, abstraction faite des conditions de vie, de la conception
ou des appartenances, et comme le prévoient aussi des textes de nos lois qui
donnent aux mères célibataires la possibilité d’inscrire leurs enfants à l’état
civil », avertit-elle.
« Ce qui pose également problème, c’est que les notions du ‘licite’ et
de l’‘illicite’ dans le Pacte de l’OCI partent de la particularité du droit
islamique et non pas d’un principe universel global pour tous », s’inquiète
encore Me Elkhiati. Si l’arsenal juridique au Maroc n’est pas dépourvu de
textes inspirés de la jurisprudence musulmane, «la primauté au droit positif et
aux traités internationaux de l’ONU constitue une ouverture pour faire évoluer
ces textes, ce qui a été le cas jusqu’ici mais qui sera considérablement mis à
mal par ce pacte », nous explique l’avocate.
« Je m’interroge tout autant sur le contexte de cette initiative, non
seulement au moment où la société civile coopère avec l’Observatoire national
des droits des enfants pour faire avancer les choses, mais également en période
estivale où tous les concernés, notamment les députés et les parlementaires, ne
sont pas sur place » - Zineb Elkhiati
Un appel à
faire respecter une logique d’institutions
Dans ce contexte,
le Centre d’études en droits humains et démocratie appelle à « donner
effet aux rôles constitutionnels confiés aux institutions ». « Il aurait été
plus efficace de mettre en œuvre l’article 27 du Statut du Conseil national des
droits de l’Homme, qui dispose : ‘Les autorités compétentes transmettent au
Conseil leurs projets de traités internationaux relatifs aux droits de l’Homme ». Une
étape qui permet «la cohérence de la politique de l’Etat » et de «la
complémentarité des rôles des institutions au service de la promotion et de la
protection des droits humains ».
Ancienne présidente
de la Commission régionale des droits de l’Homme (CRDH) à
Casablanca-Settat, dépendant du CNDH, Soumicha Riyaha est également
militante des droits des enfants. Pour avoir particulièrement travaillé avec
les centres de sauvegarde de l’enfance et les enfants en conflit avec la
justice, elle souligne qu’une adhésion du Maroc à ce pacte constituera «plus
qu’un pas en arrière».
« C’est une dégradation au sein de la communauté internationale face à
laquelle le Maroc s’est engagé à mettre en œuvre la CIDE. Le Conseil national
des droits de l’Homme est d’ailleurs en train de mettre ne place un mécanisme
de doléances accessible aux enfants dans une logique d’autonomisation, mais ce
pacte sera clairement un blocage » - Soumicha Riyaha
Par ailleurs
coordinatrice pédagogique des formations au sein de l’Institut Driss Benzekri
pour les droits de l’Homme à Rabat, la militante souligne que « le principe
d’égalité dans l’accès aux droits sera mis à mal par le Pacte de l’OCI, qui
mérite une analyse critique et comparative avec le droit international ».
Face à ce constat,
Soumicha Riyaha préconise une mobilisation urgente de la société civile mais
également des institutions, en échos aux appels du Centre d’études en droits
humains et démocratie à « faire preuve de prudence » et de « vigilance » face
aux « conséquences qui pourraient résulter d’une adhésion au Pacte de l’OCI
dans la pratique et au niveau de la législation, des procédures et de
l’approche des politiques publiques »
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