02.09.2019 - Ghita
Zine - Journaliste Yabiladi.com
Le 22 août dernier,
le conseil de gouvernement a approuvé un projet de loi sur l’adhésion du Maroc
au Pacte des droits de l’enfant en Islam. S’il est considéré comme pouvant
rendre difficile la mise en œuvre de termes de la Convention de l’ONU des
droits des enfants, il faut savoir que l’OCI a elle-même recommandé sa refonte…
en mars 2019.
Le projet de loi
n°58.19 relatif à l’adhésion marocaine au Pacte des droits de l’enfant en Islam
a été approuvé en conseil de gouvernement, il y a deux semaines. L’annonce a
provoqué l’ire d’associations qui ont fustigé une démarche pratiquement
unilatérale, dans un contexte où les objectifs sur lesquels le Maroc s’est engagé
internationalement pour la mise en œuvre de la Convention de l’ONU des droits
des enfants ne sont pas tous remplis.
En effet, le Maroc
est signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) depuis 1993, qui est contraignante pour ses 195
Etats signataires. En 2006, le gouvernement a levé toutes ses réserves sur
l’ensemble des termes de ce texte et ses protocoles, notamment l’article 14
relatif à la liberté de conscience et de culte des enfants. Quant au Pacte sur le droit des enfants en Islam, qui est
non-contraignant, il a été adopté par l’Organisation de la coopération
islamique (OCI) en 2005.
Pour des acteurs
associatifs, ce dernier constituerait un texte caduc au regard du droit
marocain et des dispositions internationales reconnues par l’ONU. Omar El Kindi
fait partie de ces militants qui soutiennent l’idée. Pour cause, il nous explique
que « le gouvernement a approuvé un texte qui était en cours de refonte par
l’OCI elle-même ».
Lire aussi:
Le Maroc examine un pacte qui bloque la Convention
internationale des droits de l’enfant
Une recommandation
qui est des plus récentes
Omar El Kindi
rappelle qu’en réunion pour sa 13e session tenue en avril 2018 à Djeddah
(Arabie saoudite), la Commission permanente indépendante des droits de l’Homme
de l’OCI a recommandé de « réviser le Pacte de l’OCI relatif aux droits de
l’enfant en Islam pour renforcer les droits des enfants dans les Etas membres ».
Celui qui a
également été président de l’Association Insaf souligne que plus que cela, «la
recommandation a été reprise par le Conseil des ministres des affaires
étrangères des pays de l’OCI, réunis à Abu Dhabi, les 1er et 2 mars derniers,
soit il y a moins de six mois !». De ce fait, le militant estime que « le gouvernement
marocain soumet au Parlement un projet de loi relatif qui pourrait être
considéré comme caduc ».
De plus, il nous
rappelle que ladite instance de l’OCI est présidée par… une Marocaine, depuis
2017. Il s’agit de Rajaa Naji Mekkaoui, nommée ambassadrice du Maroc au Vatican
en
juin dernier. En plus d’être la première femme juriste à représenter le pays auprès
du Saint-Siège, elle est la première femme à avoir tenu une causerie religieuse
sur le droit musulman et les droits des femmes devant le roi Mohammed VI en
novembre 2003, au cours du mois de Ramadan.
Cela dit,
l’exécutif était-il au courant des recommandations de la Commission permanente
indépendante des droits de l’Homme de l’OCI avant de prendre l’initiative
d’examiner le projet de loi n°58.19 ? La réponse ne peut pas être
tranchée, mais dans les deux cas, Omar El Kindi considère que l’adoption du
texte en conseil de gouvernement, dans de telles circonstances, dénote d’une « incompétence
».
La possibilité
d’établir la caducité du Pacte de l’OCI
Pour Omar El Kindi,
l’ensemble de ces paramètres suggèrent qu’il serait difficile de dire que
l’exécutif ignorait tout de la recommandation d’une instance régionale, «
présidée de surcroît par une compatriote ».
Dans sa substance,
le Pacte de l’OCI introduit même « des divergences avec plusieurs textes sur la
protection de l’enfant », nous explique Omar El Kindi, en référence à des
termes qui reviennent de manière « récurrente, voire redondante » dans ses
termes, notamment «la charia islamique », « le contrôle islamique » ou l’emploi
du « licite » et « illicite » dans le sens islamique.
Compte tenu
uniquement de cela, le texte devient restrictif en termes de protection des
enfants dans nombre de cas, à commencer par celui de l’appartenance religieuse
ou de la situation sociale de ceux nés hors-mariage.
Cette analyse
étymologique et juridique du texte avec une approche comparative vis-à-vis de
l’arsenal juridique national et les textes onusiens ratifiés par le Maroc
laisse entendre à Omar El Kindi que la terminologie du texte suffit à lui
donner un «caractère de ‘manuel pour rigoriste’ pour enfants musulmans», se
basant sur un travail analytique qu’il a effectué sur le
covenant.
« Par ailleurs, [le
Pacte] crée, de fait, une discrimination envers les enfants non-musulmans,
malgré quelques indications les concernant, ce qui est une grave contradiction
supplémentaire avec le caractère universel des droits de l’enfant introduit par
la CIDE », souligne le militant.
Celui-ci précise
également que « les prises en compte dans le ‘Covenant OCI’ des enfants en
situation d’handicap et celle des enfants réfugiés sont contenues, de meilleure
manière, dans différents textes législatifs et règlementaires dont notre pays
s’est doté ».
Pour toutes ces
raisons et principalement pour le fait que le référentiel religieux du Pacte
islamique constitue un blocage dans une mise en œuvre plus fluide de la CIDE,
les inquiétudes grandissent sur le ralentissement de ce processus déjà long,
notamment l’application effective de tous les termes de la CIDE et des
recommandations onusiennes s’agissant de la protection des droits des enfants,
en harmonisation avec les termes et les référentiels constitutionnels marocains.
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