Observations
finales concernant les troisième et quatrième
rapports périodiques du Maroc soumis en un seul document
Ce rapport du Comité des Droits de l'Enfant fait suite à l’audition du gouvernement marocain , les 3 et 4 septembre 2014 à Genève, sur les conditions de mise en œuvre de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant ratifiée par notre pays en 1993.
Adoptées par le Comité à
sa soixante-septième session (1er-19 septembre 2014)
Rapport CRC/C/MAR/3-4
distribution 14.10.2014 (Arabe et Français)
I.
Introduction
1.
Le Comité a examiné les troisième
et quatrième rapports périodiques du Maroc soumis en un seul document (CRC/C/MAR/3-4) à
ses 1906e et 1907e séances (CRC/C/SR.1906 et 1907),
tenues le 3 septembre 2014, et adopté, à sa 1929e séance,
tenue le 19 septembre 2014, les observations finales ci-après.
2.
Le Comité se félicite de la
présentation des troisième et quatrième rapports périodiques de l’État partie
soumis en un seul document (CRC/C/MAR/3-4)
et des réponses écrites à sa liste de points à traiter: (CRC/C/MAR/Q/3-4/Add.1),
qui ont permis de mieux comprendre la situation des droits de l’enfant dans l’État
partie.
3.
Le Comité se réjouit du dialogue très franc et
constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau
envoyée par l’État partie. Il considère comme positives les assurances données
par la délégation de l’État partie quant à la volonté des autorités marocaines
d’entreprendre les réformes nécessaires, de relever les défis concernant les
droits de l’enfant et de renforcer la coopération avec les organes des droits
de l’homme.
II. Mesures de suivi adoptées et
progrès réalisés par l’État partie
4.
Le Comité prend acte avec satisfaction de l’adoption
des mesures législatives suivantes :
a) Révision de l’article 6 du Code de la
nationalité (loi no 62-06 du 23 mars
2007), qui accorde désormais aux enfants la nationalité de leur mère;
b) Adoption de la loi no 14-05
de 2006 sur l’ouverture et la gestion des établissements de protection sociale;
c) Réforme du Code de la famille, dont le texte
a été publié au Journal officiel (no 5184
du 5 février 2004);
d) Réforme du Code pénal et du Code de procédure
pénale, qui renforce la protection des enfants en conflit avec la loi.
5.
Le Comité prend acte avec
satisfaction de la ratification des instruments suivants:
a) Convention relative aux droits des personnes
handicapées et Protocole facultatif s’y rapportant (avril 2009);
b) Convention internationale pour la protection
de toutes les personnes contre les disparitions forcées (mai 2013);
c) Protocole additionnel à la Convention des
Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir,
réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et
des enfants (avril 2011);
d) Convention du Conseil de l’Europe sur la
protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (Convention de
Lanzarote) (en 2013);
e) Convention européenne sur l’exercice des droits
des enfants (2013);
f) Convention du Conseil de l’Europe sur les
relations concernant les enfants (2013).
6.
Le Comité se félicite des mesures institutionnelles
et politiques suivantes:
a) Plan «Ikram» du Gouvernement pour l’égalité
des sexes (2012-2016);
b) Programme d’urgence relatif à l’enseignement
(2009-2012);
c) Plan d’action national pour l’enfance
(2006-2015);
d) Initiative nationale pour le développement
humain, lancée en 2005, et volet de cette initiative consacré à la protection
et à la promotion des droits des enfants.
III. Principaux sujets de
préoccupation et recommandations
A. Mesures d’application générales (art. 4, 42 et
44 6) de la Convention)
Recommandations antérieures du Comité
7.
Le Comité
recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour
donner suite aux recommandations qui n’ont pas été appliquées ou qui l’ont été
de façon insuffisante et, en particulier, celles concernant la collecte des
données (par. 20) et la formation et la diffusion (par. 22).
Réserves
8.
Tout en saluant le retrait par l’État partie de sa
réserve au paragraphe 1 de l’article 14 de la Convention, le Comité
regrette qu’elle ait été remplacée par une déclaration interprétative, dont l’application
des droits garantis dans cet article continue de se ressentir.
9.
Conformément à ses précédentes recommandations de 2003 (CRC/C/15/Add.211,
par. 8) et à la Déclaration et au Programme d’action de Vienne de 1993, le
Comité encourage l’État partie à retirer sa déclaration interprétative
concernant le paragraphe 1 de l’article 14 de la Convention.
Législation
10. Le Comité salue la
reconnaissance, dans la nouvelle Constitution de 2011, de la primauté des
instruments internationaux sur les lois nationales, ainsi que les importantes
réformes législatives entreprises pendant la période considérée aux fins d’inscrire
les droits et les principes de la Convention dans l’ordre juridique interne,
comme cela lui avait été précédemment recommandé. Le Comité demeure toutefois
préoccupé par:
a) L’absence de progrès dans l’adoption d’un code
général de l’enfance, dont l’élaboration avait été proposée en 2003;
b) Les nombreuses dispositions du Code de la
famille qui perpétuent la discrimination à l’égard des filles et maintiennent
une grave discrimination fondée sur le sexe;
c) La non-application de dispositions existantes
concernant les enfants en raison surtout du manque de ressources, de capacités
et de supervision.
11. Le Comité recommande à l’État
partie de poursuivre et de renforcer ses efforts pour mettre l’ensemble de sa
législation, en particulier le Code de la famille, en conformité avec la
Convention et pour abroger rapidement toutes les dispositions qui sont
discriminatoires à l’égard des filles et des femmes et nuisent à tous les enfants,
telles que celles concernant l’héritage et la polygamie. Le Comité encourage l’État
partie à songer à élaborer un code de l’enfance qui englobe tous les domaines
de la Convention et à faire en sorte que les ressources humaines, financières
et techniques nécessaires soient effectivement affectées à l’application de la
législation relative aux enfants.
Politique et stratégies globales
12. Le Comité
est préoccupé par différentes lacunes dans le Plan d’action national pour l’enfance
(2006-2015) et, en particulier, par le fait qu’aucun budget n’est prévu pour
son exécution. Il regrette en outre que l’évaluation du Plan effectuée en 2011
n’a pas donné lieu au suivi requis. Tout en considérant comme positive l’élaboration
en cours d’une politique intégrée de protection de l’enfance, le Comité juge
préoccupant que cette politique ne couvre pas tous les domaines visés par la
Convention.
13. Le Comité recommande à l’État
partie de faire en sorte que sa politique intégrée en faveur de l’enfance englobe
la protection des enfants et s’étende à tous les domaines visés par la
Convention et tous les enfants, une attention particulière devant être accordée
aux plus vulnérables et aux plus défavorisés d’entre eux. Le Comité recommande
également à l’État partie d’établir, sur la base de cette politique et en
partenariat avec les organisations de la société civile, les stratégies
requises pour son application, et de consacrer suffisamment de ressources
humaines, techniques et financières à cet objectif.
Coordination
14. Tout en prenant
acte de la mise en place de la Division de l’enfance au Ministère de la
solidarité, des femmes, de la famille et du développement social et de la
création de synergies entre les organismes publics qui s’occupent des enfants
dans le cadre du «Pôle social 4+4», le Comité demeure préoccupé par le fait que
la coordination de la mise en œuvre de la Convention reste insuffisante, avec
pour conséquence une planification de la politique de l’enfance fragmentée et
souvent incohérente. Le Comité est en outre préoccupé par le manque de moyens
humains et techniques et par la baisse des crédits budgétaires alloués à la
coordination, ainsi que par l’absence d’autorités chargées de la coordination
aux niveaux régional et local.
15. Le Comité recommande à l’État
partie de coordonner de manière effective et efficace l’application de toutes
les dispositions de la Convention, ainsi que la politique intégrée de l’enfance,
à la fois entre les ministères et entre les autorités nationales, régionales et
locales. L’État partie devrait doter l’organe de coordination des ressources
humaines, techniques et financières dont il a besoin pour opérer efficacement,
et devrait nommer des autorités pour assurer cette coordination aux niveaux
régional et local.
Allocation de ressources
16. Le Comité
juge positifs les crédits importants consacrés à l’enseignement, ainsi que l’augmentation
sensible du budget de la santé entre 2007 et 2012. Il juge toutefois
préoccupant que:
a) L’État partie n’ait pas
encore créé un mécanisme spécifique pour assurer la traçabilité des fonds
affectés à l’application de la Convention;
b) La gestion frauduleuse
présumée et le niveau de corruption très élevé nuisent à l’application de la
Convention dans l’État partie.
17. Comme suite à sa journée de débat
général de 2007 sur le thème «Les ressources pour les droits de l’homme
− responsabilité des États» et dans l’optique des articles 2, 3, 4 et
6 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie:
a) De suivre une démarche axée sur les droits de
l’enfant lors de l’élaboration du budget de l’État en mettant en place un
système de suivi de l’allocation et de l’utilisation des ressources destinées
aux enfants pour l’ensemble du budget, et d’utiliser ce système de suivi pour
procéder à des études d’impact pour déterminer la manière dont les
investissements dans un secteur donné peuvent servir «l’intérêt supérieur de l’enfant»,
en veillant à ce que la différence d’impact de ces investissements sur les
filles et les garçons soit mesurée;
b) D’effectuer une évaluation complète des
ressources budgétaires requises et d’établir des lignes de crédit claires dans
l’optique d’une réduction progressive des disparités dans les indicateurs
relatifs aux droits de l’enfant;
c) D’assurer une budgétisation transparente et une
budgétisation participative au moyen d’un dialogue public, en particulier avec
les enfants, et de veiller à ce que les autorités locales rendent dûment compte
de leurs actions;
d) De définir des lignes budgétaires stratégiques
pour les enfants défavorisés ou vulnérables, dont la situation peut requérir
des mesures sociales volontaristes, et de veiller à ce que ces lignes soient
préservées même en cas de crise économique, de catastrophe naturelle ou d’autres
situations d’urgence; et
e) De prendre immédiatement des mesures pour
lutter contre la corruption et renforcer les moyens dont disposent les
institutions pour détecter efficacement cette pratique, enquêter sur les cas de
corruption et en poursuivre les auteurs.
Surveillance indépendante
18. Tout en
notant les informations fournies par l’État partie indiquant qu’une loi avait
été élaborée pour modifier le mandat du Conseil national des droits de l’homme
de façon à mettre en place un mécanisme de surveillance indépendant adapté à la
situation des enfants, clairement habilité à recevoir les plaintes pour violation
des droits de l’enfant émanant de particuliers et à les examiner, le Comité demeure
préoccupé par le retard dans la création d’un tel mécanisme.
19. Compte tenu de son Observation
générale no 2 (2002) concernant le rôle des institutions nationales
indépendantes de défense des droits de l’homme dans la protection et la
promotion des droits de l’enfant, le Comité recommande à l’État partie de
prendre des mesures en vue d’adopter rapidement la loi portant réforme du
mandat du Conseil national des droits de l’homme de façon à créer un mécanisme
spécialisé dans la surveillance des droits de l’enfant habilité à recevoir les
plaintes émanant d’enfants, à enquêter sur ces plaintes et les traiter dans le
respect de la sensibilité de l’enfant.
Coopération avec la société civile
20. Le Comité
considère comme positif le renforcement ces toutes dernières années des
partenariats entre les organismes publics et les organisations
non gouvernementales s’occupant des droits de l’enfant. Il note toutefois avec
préoccupation que les organisations de la société civile ne sont consultées que
de manière ponctuelle. Il juge en outre préoccupant le fait qu’alors que ces
organisations continuent de fournir aux enfants dans le besoin ou marginalisés
et défavorisés divers services, l’État partie a réduit les ressources qu’il
leur consacre alors que sa propre capacité de répondre aux besoins en
protection des enfants demeure insuffisante. Le Comité regrette en outre que le
système de financement des projets empêche les organisations
non gouvernementales d’entreprendre des actions durables en faveur des enfants.
21. Le Comité encourage l’État partie
à renforcer son cadre de coopération avec les organisations qui s’occupent des
enfants lors de l’élaboration, de l’application et d’évaluation des décisions
et projets en faveur des enfants, comme le prévoit le paragraphe 3 de l’article 12
de la Constitution, et de songer, à cette fin, à établir un cadre officiel de
coopération avec les organisations de la société civile. Le Comité recommande
en outre que tout en renforçant sa propre capacité de répondre aux besoins de
protection des enfants, l’État partie fasse en sorte que les organisations de
la société civile, qui jouent un rôle important en la matière, continuent de
bénéficier d’un soutien public qui leur permette de mener une action cohérente
et durable en faveur des enfants.
Droit des enfants et secteur des entreprises
22. Le Comité
constate avec préoccupation qu’alors même que le tourisme est un des piliers de
l’économie de l’État partie, ce dernier n’a pas encore adopté de mesures en vue
de protéger les enfants des violations de leurs droits découlant des activités
touristiques.
23. Le Comité appelle l’attention de
l’État partie sur son Observation générale no 16
(2013) sur les obligations des États concernant les incidences du secteur des
entreprises sur les droits de l’enfant et, en particulier, lui recommande:
a) D’examiner et d’adapter son cadre législatif
concernant la responsabilité juridique des entreprises commerciales et de leurs
filiales gérées dans l’État partie ou ayant des activités sur son territoire,
en particulier dans le secteur du tourisme;
b) D’établir des mécanismes de surveillance pour
faire en sorte que les violations des droits de l’enfant fassent l’objet d’enquêtes
et donnent lieu à des réparations de façon à améliorer le respect de l’obligation
de rendre des comptes et la transparence;
c) D’entreprendre des campagnes de
sensibilisation auprès du secteur du tourisme et du grand public à la
prévention du tourisme pédophile et de diffuser largement la Charte d’honneur
pour le tourisme et le code mondial d’éthique du tourisme de l’Organisation
mondiale du tourisme auprès des agences de voyages et du secteur du tourisme;
et
d) De renforcer sa coopération internationale
contre le tourisme pédophile par le biais d’accords multilatéraux, régionaux et
bilatéraux pour la prévention et l’élimination de ce phénomène.
C. Principes généraux (art. 2,
3, 6 et 12 de la Convention)
Non‑discrimination
24. Le Comité
accueille avec satisfaction la déclaration de la délégation de l’État partie,
qui a indiqué que des mesures seraient prises rapidement pour faire en sorte
que les enfants ne soient pas identifiés comme étant nés hors mariage sur leurs
papiers d’identité. Le Comité est toutefois préoccupé par:
a) La discrimination de jure et de facto dont sont victimes
les filles et les enfants nés hors mariage, notamment dans le domaine du statut
personnel (par exemple en ce qui concerne le nom de famille et l’héritage);
b) Les disparités
persistantes entre différentes régions et entre les régions rurales et
urbaines;
c) Les informations
indiquant que, parmi les familles, les 20 % les plus riches représentent
30 % du revenu national alors que les 20 % les plus pauvres n’en
représentent que 2 %;
d) La discrimination
persistante à l’égard des enfants handicapés.
25. Le Comité demande instamment à l’État
partie:
a) De prendre sans délai des mesures pour
modifier le paragraphe 7 de l’article 16 de la loi no 37-99 et de retirer des documents d’identité toute mention
qui permettrait d’identifier des enfants comme nés hors mariage;
b) D’abroger toutes les dispositions qui sont
discriminatoires à l’égard des filles et des enfants nés hors mariage, en
particulier dans le Code de la famille; et
c) De faire en sorte que la politique intégrée
de l’enfance actuellement en cours d’élaboration aborde en priorité la
situation des enfants les plus marginalisés ou défavorisés et, notamment, les
différents types de discrimination dont sont victimes les filles, les enfants
handicapés et les enfants vivant dans les zones rurales et les régions
reculées.
Intérêt supérieur de l’enfant
26. Tout en se
félicitant de l’incorporation, dans le Code de la famille, du droit de l’enfant
à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, le Comité
regrette que la pratique des mariages précoces et forcés, le placement d’enfants
en institution et le recours à des mesures privatives de liberté dans le cas
des enfants en conflit avec la loi continuent d’aller à l’encontre de l’intérêt
supérieur de nombreux enfants. Le Comité note aussi avec préoccupation que ce
droit n’a pas été incorporé dans la législation relative aux enfants et qu’il n’est
donc appliqué ni dans toutes les procédures administratives et judiciaires ni
dans les politiques et programmes relatifs aux enfants.
27. Le Comité appelle l’attention de
l’État partie sur son Observation générale no 14
(2013) sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une
considération primordiale, et lui recommande de redoubler d’efforts pour faire
en sorte que ce droit soit dûment intégré et appliqué uniformément dans toutes
les procédures législatives, administratives et judiciaires, ainsi que dans la
totalité des politiques, programmes et projets concernant les enfants et ayant
un impact sur eux. À cet égard, l’État partie est encouragé à définir des
procédures et des critères destinés à guider toutes les personnes investies d’une
autorité pour déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant dans chaque domaine et
lui attribuer le poids voulu en tant que considération primordiale.
Respect des opinions de l’enfant
28. Le Comité
craint que les critères d’éligibilité au Parlement des enfants fassent qu’il n’est
pas représentatif de tous les enfants, en particulier des enfants les plus
vulnérables et défavorisés. Il regrette en outre que l’État partie n’ait pas
fait suffisamment d’efforts pour mettre en place des conseils municipaux des
enfants, comme l’avait recommandé le Comité en 2003 (CRC/C/15/Add.211,
par. 31). Le Comité note en outre avec préoccupation qu’il y a eu peu
d’actions durables pour changer les attitudes sociales au sein de la famille,
à l’école et dans la collectivité en général qui empêchent les enfants de
s’exprimer.
29. Le Comité appelle l’attention de
l’État partie sur son Observation générale no 12
(2009) sur le droit de l’enfant d’être entendu et lui recommande:
a) De revoir les critères d’éligibilité au Parlement
des enfants en vue d’assurer que les enfants soient élus par leurs pairs dans
le cadre d’un processus démocratique et que les enfants de tous les segments de
la société soient dûment représentés;
b) D’exécuter des programmes et des activités de
sensibilisation en vue de promouvoir une participation active et autonome de
tous les enfants à la vie de la famille, de la collectivité et de l’école,
notamment dans le cadre des conseils d’élèves, en accordant une attention
particulière aux filles et aux enfants vulnérables.
D. Liberté
et droits civils (art. 7, 8 et 13 à 17)
Enregistrement des naissances/nom et nationalité
30. Le Comité se
félicite de la reconnaissance de la filiation maternelle dans le cadre de la
modification apportée en 2004 à l’article 6 du Code de la famille. Il note
toutefois avec préoccupation que les femmes rurales ne sont souvent pas
informées de leur droit de transmettre la nationalité marocaine à leurs
enfants. Le Comité note en outre avec préoccupation que:
a) Les mères célibataires ne peuvent transmettre
leur nom à leurs enfants que si le père y consent;
b) 14 % des enfants ne sont pas enregistrés
et un nombre important d’enfants abandonnés à la naissance ne bénéficient d’aucun
enregistrement comme l’a reconnu l’État partie lui-même;
c) Les parents migrants et demandeurs d’asile
ont du mal à obtenir le certificat officiel d’enregistrement de la naissance de
leurs enfants car ils n’ont pas les moyens de payer les frais médicaux à
acquitter pour obtenir un avis de naissance.
31. Le Comité exhorte l’État partie à
:
a) Adopter toutes les mesures nécessaires en vue d’une application
effective des modifications apportées à la loi sur la nationalité et à modifier
le paragraphe 7 de l’article 16 de la loi no 37-99 pour faire en sorte que toutes les mères, sans
distinction aucune, puissent transmettre leur nom de famille à leurs enfants;
b) Faire en sorte que tous les enfants nés sur le territoire de l’État
partie, quel que soit le statut de leurs parents ou la nature de leur permis de
résidence, soient enregistrés et obtiennent immédiatement un bulletin de
naissance officiel sans obstacle indu;
c) Abolir les frais imposés pour l’obtention d’un bulletin de
naissance, prolonger le court délai d’enregistrement des nouveau-nés (trente
jours) et faciliter la délivrance de bulletins de naissance à tous les enfants
réfugiés qui n’en possèdent pas encore un; et
d) Songer à ratifier la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.
Droit de connaître ses parents et d’être élevé par
eux
32. Le Comité
note avec préoccupation qu’alors que des milliers d’enfants naissent chaque
année hors mariage, la législation de l’État partie n’autorise pas les mères et
les enfants à engager une procédure pour établir la paternité au moyen d’analyses
de l’ADN.
33. Le Comité invite instamment l’État
partie à autoriser, par la loi, les femmes et les enfants à entamer les
procédures pour établir la paternité sur la base d’analyses de l’ADN.
E. Violence à l’égard
des enfants (art. 19,
24 3), 28 2), 34, 37 a) et 39)
Torture et autres peines ou traitements cruels ou
dégradants
34. Tout en
notant avec satisfaction la loi no 43-04
de 2006, qui définit et érige en infraction pénale la torture et les mauvais
traitements, le Comité constate avec une vive préoccupation que de nombreux
enfants, notamment les enfants des rues, continueraient de subir des mauvais
traitements dans les postes de police.
35. Le Comité réitère sa
recommandation à l’État partie (CRC/C/15/Add.211, par. 43 f)),
tendant à ce qu’il enquête sur tous les cas de torture et de mauvais
traitements et poursuive les auteurs, en veillant à ce que l’enfant maltraité ne
soit pas stigmatisé dans le cadre des procédures judiciaires et à ce que sa vie
privée soit protégée. L’État partie devrait en outre dispenser aux agents de la
force publique la formation requise aux normes régissant le traitement des
enfants qui ont affaire à la justice ou sont en conflit avec la loi, équiper
toutes les structures d’accueil et les centres de détention pour enfants de
caméras de surveillance à même de détecter toute maltraitance et mettre à la
disposition des enfants des mécanismes de recours accessibles et sûrs. Tous les
auteurs de sévices devraient être tenus responsables et sévèrement punis.
Châtiments corporels
36. Le Comité
note avec préoccupation qu’en dépit de l’engagement qu’il a pris pendant l’Examen
périodique universel de 2012 (A/HRC/21/3, par. 129.65), l’État partie n’a
toujours pas interdit les châtiments corporels dans la famille, dans les lieux
de protection de remplacement, dans les garderies d’enfants et dans les écoles.
Il est particulièrement préoccupé par le fait que les châtiments corporels
demeurent un phénomène très répandu, la grande majorité des enfants ayant
déjà fait l’objet de formes de discipline violentes, et ayant été soumis à de
sévères châtiments dans bien des cas. Le Comité note en outre avec
préoccupation que dans les foyers pour enfants et d’autres établissements
publics de protection des enfants, la violence est le moyen de discipline le
plus fréquent.
37. Renvoyant à son Observation
générale no 8 (2006) relative aux droits de l’enfant et à une protection
contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de
châtiment, le Comité invite instamment l’État partie à:
a) Interdire sans équivoque les châtiments corporels dans tous les
contextes;
b) Faire réellement appliquer les lois interdisant les châtiments
corporels et veiller à ce que des poursuites soient systématiquement engagées
contre les personnes qui usent de violence envers les enfants;
c) Organiser des campagnes publiques soutenues d’éducation, de
sensibilisation et de mobilisation sociale associant les enfants, les familles,
les collectivités et les chefs religieux sur les effets physiques et
psychologiques néfastes des châtiments corporels en vue de faire évoluer les
mentalités à l’égard de cette pratique et de promouvoir des formes d’éducation
et de discipline constructives non violentes et participatives en remplacement
des châtiments corporels; et
d) Assurer la participation de l’ensemble de la société, y compris les
enfants, à la conception et à la mise en œuvre de stratégies de prévention des
châtiments corporels.
Violence à l’égard des enfants, y compris les sévices
et le délaissement
38. Le Comité se
félicite des nombreuses initiatives de l’État partie pour faire face à la
violence à l’école, ainsi que de la mise en place de groupes de la protection
des enfants dans les grandes villes, de centres régionaux de conseil et d’orientation
pour les enfants victimes de violences dans les hôpitaux et dans les services
de soins pour les femmes et les enfants des tribunaux. Le Comité note toutefois
avec préoccupation que le manque de ressources humaines, techniques et
financières dont souffrent ces mécanismes nuit considérablement à leur
efficacité et que d’énormes efforts doivent encore être déployés en vue de
mettre en place un système de protection des enfants cohérent et bien
coordonné, comme l’a reconnu la délégation de l’État partie elle-même. Le
Comité constate avec préoccupation en particulier que:
a) L’État partie n’a pas
adopté de législation pour ériger en infraction pénale toutes les formes de
violence dans la famille, y compris le viol conjugal, bien que la violence à l’égard
des femmes et des filles soit très répandue au Maroc;
b) L’âge auquel un enfant a
droit à une protection spécifique au titre du Code pénal de 2004 a été porté à
15 ans seulement;
c) Les enfants victimes de
violences, les enfants des rues, les enfants privés de leur environnement
familial, les enfants handicapés, les enfants en conflit avec la loi sont
souvent placés ensemble dans des centres de sauvegarde où ils sont privés de
liberté et où ils vivent souvent dans des conditions qui constituent un mauvais
traitement;
d) Les groupes de protection
de l’enfance ne seraient opérationnels qu’à Casablanca et à Essaouira et ne
sont pas en mesure d’apporter aux enfants victimes de violences l’appui et l’assistance
dont ils ont besoin;
e) L’appui apporté aux
organisations non gouvernementales qui fournissent aux enfants victimes de
violences une assistance, un abri et des services de réadaptation est
insuffisant.
39. Le Comité recommande à l’État
partie de tenir compte de l’Observation générale no 13 (2011) sur le droit de l’enfant d’être protégé contre
toutes les formes de violence, et en particulier de mettre en place, en étroite
coopération avec la société civile, un système de protection des enfants bien
coordonné et bien financé. L’État partie devrait en particulier:
a) Créer une base de données nationale sur tous
les cas de violence dans la famille à l’égard des enfants et procéder à une
évaluation complète de l’ampleur, des causes et de la nature d’une telle
violence;
b) Mettre en place un cadre juridique complet,
ainsi qu’un cadre national de coordination pour prévenir, interdire et punir
toutes les formes de délaissement, de sévices et de violence, notamment
dans la famille, à l’égard de tous les enfants jusqu’à l’âge de 18 ans;
c) Prendre d’urgence des mesures pour régler le
problème que posent les conditions de vie des enfants se trouvant dans les
centres de sauvegarde, faire sortir sans délai de ces centres les enfants
marginalisés et défavorisés et faire en sorte qu’ils bénéficient de programmes
de placement auprès d’un parent ou d’une institution et retrouvent leur famille
lorsque leur intérêt supérieur le requiert;
d) Mettre rapidement en place des groupes de
protection des enfants et appuyer ces groupes dans les hôpitaux et les postes
de police des lieux où il n’en existe pas encore, en particulier dans les zones
rurales et les régions reculées, et établir des mécanismes de recours dans les
institutions de protection de remplacement et les centres de détention et doter
tous ces mécanismes des ressources humaines, financières et techniques
nécessaires pour leur permettre de protéger efficacement les enfants contre
toutes les formes de violence;
e) Renforcer
davantage les programmes de sensibilisation et d’éducation, notamment les
campagnes organisées avec la participation des enfants en vue d’informer ces
derniers des mécanismes de protection auxquels ils peuvent avoir accès;
f) Continuer de fournir des subventions aux
organisations non gouvernementales spécialisées qui exécutent des programmes de
prévention et de réadaptation en faveur des enfants qui risquent d’être
victimes de la violence; et
g) Faire face aux causes profondes de la violence
et des sévices et prendre des mesures concrètes pour changer les attitudes, les
traditions, les coutumes et les comportements qui souvent servent de prétexte à
la pratique de la violence dans la famille, en particulier à l’égard des
filles.
Exploitation et abus sexuels
40. Le Comité
note avec satisfaction l’abrogation en janvier 2014 de l’article 475
du Code pénal qui permettait aux auteurs de viol de bénéficier de l’impunité
s’ils épousaient leur victime. Le Comité note toutefois avec préoccupation ce
qui suit:
a) Aucune mesure concrète n’a été prise pour mettre
fin aux mariages que des filles ont été forcées de contracter avant l’abrogation
de cet article, lesquelles seraient encore victimes d’abus et de violence
sexuels;
b) La criminalisation des relations sexuelles
hors mariage qui fait que les filles qui sont victimes d’abus sexuels sont
considérées comme des délinquantes, ce qui les dissuade de porter plainte
contre l’auteur des abus;
c) Le tourisme sexuel est en expansion dans l’État
partie.
41. Le Comité invite instamment l’État
partie à prendre toutes les mesures requises pour faire en sorte que les filles
qui avaient été forcées à épouser la personne qui a abusé d’elles avant l’abrogation
de l’article 475 du Code pénal reçoivent l’aide dont elles ont besoin pour
échapper à des situations dans lesquelles elles sont victimes d’abus. L’État
partie devrait en outre faire en sorte que tous les enfants soumis à une
quelconque forme d’exploitation et d’abus sexuels soient traités en tant que
victimes et ne fassent jamais l’objet de sanctions pénales. Le Comité exhorte l’État
partie à exécuter des activités de sensibilisation pour combattre la
stigmatisation des victimes d’exploitation et d’abus sexuels, notamment d’inceste,
et de mettre en place des mécanismes accessibles, confidentiels, adaptés aux
enfants et efficaces pour dénoncer de telles violations.
Pratiques préjudiciables
42. Le Comité
note avec préoccupation que même si l’âge minimum du mariage a été fixé à
18 ans aussi bien pour les filles que pour les garçons dans le Code de la
famille de 2004, les mariages précoces sont en augmentation et des milliers de
filles âgées, dans certains cas âgées d’à peine 13 ans, sont mariées
chaque année suite à un large recours aux dérogations à la loi accordées par
les juges de la famille. Le Comité est également vivement préoccupé par la
pratique courante du mariage forcé et par le fait que des filles se suicident
en raison de tels mariages, les derniers cas signalés s’étant produits en
janvier et en mai 2014. Dans ce contexte, le Comité note avec préoccupation
que:
a) L’État partie envisage de ramener à
16 ans l’âge minimum du mariage;
b) Le mariage d’enfants peut être autorisé par un
juge en dépit du refus du représentant légal de l’enfant de l’autoriser.
43. Le Comité appelle l’État partie
sur les nombreuses conséquences néfastes des mariages précoces et lui demande
instamment de ne pas ramener à 16 ans l’âge minimum du mariage et de
prendre des mesures concrètes pour mettre fin à la pratique des mariages
précoces et forcés.
F. Milieu
familial et protection de remplacement (art. 5, 9 à 11, 18 1)
et 2), 20, 21, 25 et 27 4))
Milieu familial
44. Le Comité prend acte avec satisfaction des dispositions du Code de la
famille de 2004 qui place la famille sous la responsabilité conjointe des deux
époux et dans lequel la disposition relative au «devoir d’obéissance» de la
femme à son époux a été supprimée. Le Comité se félicite en outre de la
reconnaissance par la délégation de l’État partie des effets néfastes de la
polygamie sur les enfants. Le Comité note toutefois avec préoccupation ce qui
suit:
a) En dépit de certaines restrictions qui ont été
inscrites dans la loi et du faible nombre d’unions polygames, la polygamie
reste autorisée, une situation qui est contraire à la dignité des femmes et des
filles qui contractent ce type de mariage et qui a des effets néfastes sur les
enfants;
b) Bien que l’État partie assure une égale
protection juridique et la même considération sociale et morale à tous les
enfants quel que soit leur statut familial, les enfants nés d’un mariage entre
une musulmane et un non-musulman peuvent ne pas être reconnus sur le plan
juridique, une situation qui peut les empêcher de jouir de tous leurs droits
dans des conditions d’égalité avec les autres enfants.
45. Le Comité demande instamment à l’État
partie de revoir la loi provisoire sur le statut personnel pour faire en sorte
que toutes ses dispositions qui sont discriminatoires à l’égard des femmes et
des filles et qui nuisent à leurs enfants, telles que celles qui autorisent la
polygamie, soient abrogées. Il exhorte en outre l’État partie à éliminer toute
forme de discrimination à l’égard des enfants nés d’un mariage entre une
musulmane et un non-musulman conformément à sa Constitution.
Enfants privés de leur milieu familial
46. Le Comité
est préoccupé par les conséquences de la criminalisation des relations
sexuelles hors mariage (art. 490 du Code pénal) qui serait à l’origine de
l’abandon de dizaines de nourrissons chaque jour dans l’État partie. Le Comité
est en outre vivement préoccupé par le rejet social et la stigmatisation des
mères célibataires, dont un tiers sont des adolescentes, et par les
conséquences graves de ce rejet social sur leurs enfants.
47. Le Comité invite instamment l’État
partie à abroger l’article 490 du Code pénal de façon à assurer aux mères
célibataires le soutien dont elles ont besoin pour s’occuper de leurs enfants,
et à élaborer et appliquer une politique pour protéger les droits des
adolescentes enceintes et de leurs enfants et combattre et éliminer la
stigmatisation associée aux grossesses hors mariage. Des mesures concrètes
devraient être prises pour promouvoir une parenté et un comportement sexuel
responsables en accordant une attention particulière à la sensibilisation
des garçons et des hommes.
Protection de remplacement
48. Tout en
considérant comme positive l’adoption de la loi no 14-05
de 2006 sur l’ouverture et la gestion des établissements de protection sociale,
le Comité note avec préoccupation que cette loi n’est pas effectivement
appliquée, comme l’a reconnu l’État partie lui-même. Il note en particulier
avec inquiétude que:
a) Le nombre d’enfants privés de leur milieu
familial augmente comme en témoigne le nombre d’établissements où sont
placés les enfants, qui aurait doublé depuis 2005;
b) Deux tiers des enfants sont placés dans des
établissements uniquement pour cause de pauvreté;
c) Les ressources financières allouées par la
Mutuelle nationale aux établissements de protection sociale ne couvrent
même pas les besoins essentiels des bénéficiaires, et deux tiers des enfants
abandonnés sont pris en charge par des associations;
d) Le manque de personnel qualifié et l’absence
de contrôle au sein de ces établissements font que la situation des enfants qui
y sont placés et qui sont de plus en plus soumis à des violences et des abus, n’est
guère surveillée;
e) Les centres étant spécialisés dans différents
groupes d’âge, les enfants sont déplacés d’un établissement à un autre tous les
trois ou quatre ans, en sorte qu’ils vivent des ruptures répétées et sont
séparés de leurs frères et sœurs, avec pour conséquence une aggravation des
troubles dont ils souffrent;
f) Certains enfants abandonnés vivent dans des
hôpitaux dans des situations extrêmement précaires.
49. Appelant l’attention sur les
lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants
(résolution 64/142 de l’Assemblée générale, annexe), le Comité demande
instamment à l’État partie:
a) De faire en sorte que la pauvreté financière
et matérielle ou les situations qui en résultent directement et exclusivement
ne soient jamais l’unique raison de retirer un enfant à ses parents, de placer
l’enfant dans une structure de protection de remplacement ou d’empêcher la
réinsertion sociale de l’enfant;
b) D’achever le processus d’adoption du projet de
loi sur la protection de remplacement en accordant la priorité à d’autres
solutions que le placement en institution, en particulier au placement auprès d’un
parent, au placement en famille d’accueil et au renforcement des programmes
visant à prévenir le placement dans des structures de remplacement;
c) De renforcer les mécanismes de détection
précoce des enfants vivant dans des conditions difficiles et de mettre en place
des programmes de soutien aux parents et aux mères célibataires, ainsi que des
programmes communautaires, en vue de réduire rapidement le recours au placement
d’enfants en institution;
d) De soutenir l’Entraide nationale, qui est
chargée d’appliquer la loi no 14‑05,
et d’allouer les ressources nécessaires au projet de réforme des établissements
de protection sociale lancé en 2012 en vue d’améliorer les conditions de vie
des enfants placés en institution;
e) De faire en sorte que l’ensemble du personnel
des institutions de protection sociale reçoive la formation requise aux droits
de l’enfant, notamment à la façon de procéder pour signaler les cas de mauvais
traitement, et de fournir toutes les ressources humaines techniques et
financières nécessaires pour améliorer la situation des enfants;
f) De procéder périodiquement à un examen
approfondi des placements d’enfants en institution et de créer des mécanismes
pour recevoir et examiner les plaintes émanant d’enfants;
g) De prendre toutes les mesures nécessaires pour
réduire la durée du séjour des enfants en institution et de faire en sorte qu’ils
ne soient plus séparés de leurs frères et sœurs et transférés d’un centre à un
autre et que leur soit assuré un environnement stable qui favorise l’instauration
et le maintien de relations constructives avec les adultes et les enfants;
h) De faciliter, lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant
le requiert, les contacts entre l’enfant et sa famille biologique de façon à
encourager et à appuyer le regroupement lorsqu’il est possible;
i) De retirer d’urgence des hôpitaux les enfants
abandonnés qui continuent d’y vivre et faire en sorte qu’ils puissent
bénéficier d’un placement de type familial.
Adoption/kafalah
50. Tout en
notant l’adoption de la loi no 15-01
de juin 2002 sur les enfants abandonnés, le Comité note avec préoccupation que
la situation juridique des enfants adoptés sous le régime de la kafalah demeure précaire. Il constate en
particulier avec inquiétude que cette loi ne prévoit pas d’évaluation psychologique
des demandeurs avant que la kafalah
ne soit accordée, qu’elle n’accorde pas la priorité à la famille élargie et n’institue
aucun suivi du placement sous le régime de la kafalah. Le Comité est également préoccupé par les informations
selon lesquelles, dans certains cas, le système de la kafalah est utilisé pour exploiter des filles dans des tâches
domestiques ou pour placer des enfants issus de familles pauvres. Il est aussi
préoccupé par la circulaire 40S/2 de 2012, qui va à l’encontre de l’intérêt supérieur
de l’enfant en interdisant aux non-résidents d’adopter des enfants.
51. Le Comité recommande à l’État
partie:
a) De modifier sa législation régissant le
système de la kafalah en vue de la
rendre pleinement conforme à la Convention;
b) D’empêcher le placement automatique d’enfants
nés hors mariage et d’enfants vivant dans la pauvreté sous le régime de la kafalah en fournissant aux mères
célibataires et/ou aux parents le soutien nécessaire pour qu’ils puissent
prendre en charge leurs enfants;
c) D’assurer un suivi approprié des enfants
placés sous le régime de la kafalah;
d) De prendre toutes les mesures nécessaires pour
prévenir et punir l’exploitation d’enfants par le biais du système de la kafalah;
e) Abroger la circulaire 40S/2 de 2012.
G. Handicap, santé
de base et bien-être (art. 6, 18 3), 23, 24, 26, 27 1) à 3) et 33)
Enfants handicapés
52. Le Comité se
félicite de l’adoption du Plan d’action national pour l’intégration sociale des
personnes handicapées (2008-2017) et du nombre accru d’enfants inscrits dans
des classes intégrées. Il note toutefois avec préoccupation que l’État partie
continue d’appliquer le modèle médical du handicap, qui consiste à n’intégrer
les enfants handicapés que si leurs capacités le leur permettent, au lieu d’agir
pour éliminer les obstacles physiques, socioéconomiques et culturels qui
empêchent la pleine intégration des enfants handicapés dans les écoles et dans
la société et le plein exercice de leurs droits. Le Comité est en particulier
préoccupé par le fait que:
a) L’État partie n’a pas
entrepris de bâtir un système d’éducation inclusif et continue de s’appuyer
excessivement sur les organisations non
gouvernementales pour fournir des services spécialisés à ces enfants;
b) Un tiers seulement des
enfants handicapés sont scolarisés et ceux qui le sont se heurtent au rejet et
à la stigmatisation;
c) Un cinquième des enfants
handicapés ne se rendent jamais dans un centre de soins de santé, comme l’a
reconnu l’État partie;
d) La vaste majorité des
enfants handicapés ne bénéficient pas du soutien requis, tel que la présence d’équipes
spécialisées multidisciplinaires de travailleurs sociaux et un processus de
suivi individualisé pour assurer leur intégration effective dans les classes
ordinaires;
e) La stigmatisation
sociale, les peurs et les préjugés qui entourent les enfants handicapés
demeurent vivaces dans la société, avec pour conséquence la marginalisation et
l’aliénation de ces enfants.
53. Compte tenu de l’article 23 de la
Convention et de son Observation générale no 9
(2006) sur les droits des enfants handicapés, le Comité demande instamment à l’État
partie d’adopter une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme et
recommande en particulier:
a) D’organiser la collecte de données sur les
enfants handicapés et de mettre en place un système efficace de diagnostic du
handicap, qui est nécessaire pour élaborer des politiques et des programmes en
faveur des enfants handicapés;
b) D’adopter des mesures globales pour développer
l’enseignement inclusif et faire en sorte qu’il ait la priorité sur le
placement d’enfants dans des institutions et des classes spécialisées. À cette
fin, le Comité demande instamment à l’État partie de retirer des centres de
sauvegarde les enfants qui y ont été placés;
c) D’adopter sans délai des mesures pour faire
en sorte que les enfants handicapés aient accès aux soins de santé, y compris
aux programmes de dépistage et d’intervention précoces;
d) De former le personnel et les enseignants
spécialisés appelés à s’occuper de classes intégrées fournissant un soutien
individualisé et toute l’attention voulue aux enfants ayant des difficultés d’apprentissage;
e) D’entreprendre des campagnes de
sensibilisation destinées aux autorités, au public et aux familles pour
combattre la stigmatisation des enfants handicapés et les préjugés à leur égard
et promouvoir une image positive des enfants et des adultes handicapés.
Santé et services de santé
54. Tout en se
félicitant de l’augmentation de 20 % du budget du Ministère de la santé
entre 2007 et 2012, le Comité note avec préoccupation les faits suivants:
a) Les taux de mortalité
infantile et liés à la maternité demeurent élevés;
b) D’énormes disparités d’état
de santé persistent entre les enfants des zones urbaines et ceux des zones
rurales, qui courent deux fois plus le risque de mourir que les enfants des
villes;
c) Le risque de mortalité
infantile est 2,5 fois plus élevé parmi les enfants faisant partie du
quintile le plus pauvre que parmi ceux du quintile le plus riche;
d) 42 % des enfants
vivant dans des centres d’accueil pour migrants souffrent d’une insuffisance
pondérale et bon nombre d’entre eux seraient atteints de maladies graves ou
contagieuses.
55. Le Comité appelle l’attention de
l’État partie sur son Observation générale no 15
(2013) sur le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible, et
lui recommande:
a) De veiller à ce que des ressources suffisantes
soient allouées au secteur de la santé et d’élaborer et d’appliquer des
politiques et des programmes complets pour améliorer l’état de santé des
enfants et favoriser un accès plus large et dans des conditions d’égalité des
mères et des enfants à des services de santé primaires de qualité dans toutes
les régions du pays de façon à mettre fin aux disparités dans l’accès aux soins;
b) De prendre des mesures plus efficaces pour
lutter contre la mortalité liée à la maternité et infantile et améliorer le
statut nutritionnel des jeunes enfants;
c) Solliciter à cet égard une assistance
financière et technique auprès, entre autres, du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et de l’Organisation mondiale de la Santé.
Santé des adolescents
56.
Le Comité
note avec préoccupation que même si l’incidence du VIH demeure très faible dans
l’État partie, moins des deux tiers des garçons et seulement un tiers des
filles seraient informés du fait que l’utilisation de préservatifs peut
prévenir l’infection par le virus du sida. Il note également avec une vive
préoccupation que la criminalisation de l’avortement pousse chaque année des
dizaines d’adolescentes à se faire avorter illégalement dans des conditions
dangereuses au risque de leur vie. Le Comité est en outre préoccupé par l’augmentation
de la toxicomanie parmi les adolescents et, en particulier, par l’utilisation
de la drogue pour la première fois à un jeune âge et par l’augmentation de la
consommation de substances psychotropes et du nombre de ceux qui inhalent des
vapeurs de colle.
57.
Renvoyant à son Observation générale no 4 (2003) sur la santé et le
développement de l’adolescent, le Comité demande instamment à l’État partie:
a) D’adopter une politique globale
de la santé sexuelle et génésique des adolescents et de faire en sorte que
l’éducation dans ce domaine fasse partie du programme scolaire
obligatoire, une attention particulière devant être accordée à la prévention de
la grossesse précoce et des infections transmises sexuellement;
b) De dépénaliser l’avortement et de
revoir sa législation en vue de garantir l’intérêt supérieur des adolescentes
enceintes, et de faire en sorte que, par la loi et dans la pratique, les
opinions de l’enfant soient toujours entendues et respectées dans les décisions
relatives à l’avortement;
c) De faire face au phénomène de
la consommation de drogues par les enfants et les adolescents, notamment en
leur fournissant des informations précises et objectives et en leur permettant
d’acquérir des compétences pratiques de façon à prévenir la consommation de
substances toxiques (y compris le tabac et l’alcool), et de mettre en
place des services de traitement de la toxicomanie et de réduction des risques
qui soient accessibles et adaptés aux jeunes;
d) De solliciter une assistance
technique auprès, entre autres, du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) et l’UNICEF.
Niveau de vie
58.
Le Comité se félicite des nombreuses mesures prises
par l’État partie pour améliorer le niveau de vie des enfants, en particulier
le Programme national pour l’accès à des services sociaux de base, tels que l’approvisionnement
en eau potable, l’électrification rurale et le désenclavement des zones
rurales, ainsi que le programme Villes sans bidonvilles de 2004. Le Comité
note toutefois avec préoccupation qu’un cinquième des familles marocaines
vivent dans la pauvreté et que la croissance économique accélérée que connaît l’État
partie s’est accompagnée d’une accentuation des disparités entre les familles
les plus riches et les familles les plus pauvres comme en témoignent différents
indicateurs sociaux.
59. Le
Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires,
notamment des mesures de discrimination positives, pour faire face aux
disparités économiques dont souffrent les régions rurales et les banlieues
urbaines et qui font que des enfants ne jouissent pas de leurs droits sur un
pied d’égalité avec les autres. L’État partie devrait mesurer l’incidence des
programmes de protection sociale et revoir ces programmes pour faire en sorte
qu’ils soient durables et accessibles aux enfants les plus vulnérables et les plus
défavorisés; il devrait songer à tenir des consultations ciblées avec les
familles, les enfants et les organisations de la société civile qui s’occupent
des droits de l’enfant sur la question de la pauvreté des enfants.
H. Éducation, loisirs et activités
culturelles (art. 28, 29,
30 et 31)
Éducation, y compris la formation et l’orientation
professionnelles
60. Le Comité note
avec satisfaction les réalisations de l’État partie dans le domaine de la
scolarisation au cours de la période considérée, les mesures prises pour
assurer l’égalité entre les sexes au niveau primaire, l’augmentation du montant
des ressources publiques allouées au secteur de l’enseignement, les différentes
initiatives visant à combattre la violence à l’école et les efforts pour inscrire
les droits de l’homme et les questions relatives au genre dans les programmes
scolaires. Le Comité note toutefois avec préoccupation que le système éducatif
continue de se heurter à de graves problèmes. Il est en particulier préoccupé
par les faits suivants:
a) Une forte proportion
d’enfants vivant dans les zones rurales, d’enfants handicapés et d’enfants qui
travaillent sont privés de leur droit à l’éducation et ne sont pas scolarisés;
b) Les filles ont du mal à accéder
à l’enseignement secondaire;
c) L’absence de transparence et l’inefficacité
dans la gestion des ressources consacrées à l’enseignement auraient pour
conséquence que deux tiers seulement de ces ressources servent réellement à
améliorer le système d’enseignement;
d) L’enseignement privé se développe
très rapidement, en particulier au niveau primaire, sans que soit exercée la
supervision nécessaire sur les conditions d’inscription et la qualité de l’enseignement
fourni, en sorte que les inégalités dans l’exercice du droit à l’éducation s’accentuent
et les enseignants donnent de plus en plus souvent des cours privés dans les
écoles publiques et accordent la priorité au travail qu’ils accomplissent dans
les écoles privées;
e) Bien que la qualité de l’enseignement
demeure faible et le nombre d’abandons scolaires élevé, notamment au niveau
secondaire, la deuxième phase du programme national relatif aux résultats
scolaires n’a pas été exécutée;
f) L’enseignement préscolaire
demeure peu développé et quasi inexistant dans les zones rurales.
61. Le
Comité recommande à l’État partie:
a) De redoubler d’efforts pour
assurer la scolarisation de tous les enfants aux niveaux primaire et secondaire
en prenant des mesures ciblées pour toucher les enfants privés d’enseignement;
b) De procéder à une évaluation correcte
des lacunes du programme d’urgence pour 2009-2012 et d’adopter, sur la base des
enseignements tirés de cette évaluation, toutes les mesures nécessaires pour
assurer une utilisation et un contrôle effectifs et efficaces des ressources
financières allouées au système éducatif;
c) D’évaluer et de mesurer les
conséquences du développement rapide de l’enseignement privé dans l’État partie
et d’y faire face et faire en sorte que les enseignants du secteur public
contribuent à l’amélioration du système éducatif au Maroc plutôt que d’être
utilisés par le secteur privé, en appliquant efficacement la circulaire
ministérielle no 109 du 3 septembre 2008;
d) De prendre les mesures
nécessaires pour améliorer la qualité de l’enseignement, notamment en
dispensant aux enseignants une formation de qualité, et de développer et
promouvoir la qualité de la formation professionnelle pour améliorer les
qualifications des enfants et des jeunes, en particulier celles de ceux qui ont
abandonné l’école;
e) D’allouer des ressources financières suffisantes au développement et à l’expansion
de l’éducation à la prime enfance dans les zones rurales, selon une approche
globale et intégrée du développement et de la prise en charge de la petite
enfance.
I. Mesures
spéciales de protection (art. 22, 30, 32, 33, 35, 36, 37 b) et d), 38, 39 et 40)
Enfants migrants, demandeurs d’asile et réfugiés
62. Le Comité note avec satisfaction l’élaboration
d’une nouvelle loi sur l’asile, la réouverture du Bureau des refugiés et
des apatrides en 2013, les instructions données en octobre 2013 par le
Ministre de l’éducation pour faciliter l’inscription de tous les enfants
migrants, demandeurs d’asile et réfugiés dans des écoles publiques et privées.
Toutefois, en raison du nombre croissant d’enfants non accompagnés et d’enfants
demandeurs d’asile dans l’État partie, le Comité note qu’aucune garantie de
procédure n’a été définie aux fins de déterminer l’intérêt supérieur de ces
enfants et que l’État partie ne fournit à ces enfants aucune assistance et
protection contre la violence, l’exploitation ou la traite. Le Comité est en
particulier préoccupé par:
a) L’expulsion d’enfants non accompagnés en dépit
des dispositions de la loi sur la migration (loi no 02-03)
qui protège les enfants contre l’expulsion (art. 26) et la reconduction à
la frontière (art. 29), cinq enfants ayant déjà été renvoyés au risque de
leur vie dans le désert séparant le Maroc de l’Algérie en 2013;
b) L’arrestation et la détention d’enfants
réfugiés et demandeurs d’asile;
c) La détérioration des conditions sanitaires
des enfants dans les centres d’accueil pour migrants;
d) Les obstacles que rencontrent les enfants
migrants, réfugiés et demandeurs d’asile dans l’accès aux services de santé;
e) La situation d’une fille non accompagnée, qui
a été placée en 2012, à l’âge de 6 ans, dans un centre spécialisé
sans que les autorités publiques exercent depuis lors la moindre surveillance
sur sa situation.
63. Le Comité recommande à l’État
partie d’accélérer l’adoption d’un cadre juridique et institutionnel pour
assurer le respect, en toutes circonstances, des droits des enfants migrants, des
enfants demandeurs d’asile et des enfants réfugiés non accompagnés,
conformément au droit international relatif aux réfugiés et aux droits de
l’homme. L’État partie devrait veiller à ce que:
a) Les enfants migrants, réfugiés et demandeurs d’asile ne soient pas
arrêtés, détenus arbitrairement et renvoyés en violation de la loi;
b) Une enquête pour déterminer les responsabilités dans le renvoi de
cinq enfants dans le désert en 2013 soit menée, des sanctions soient
prises contre les responsables et des mesures soient adoptées pour
prévenir qu’une telle situation ne se reproduise;
c) Des mesures soient prises rapidement pour assurer aux enfants
migrants, réfugiés et demandeurs d’asile un meilleur accès aux services de
protection se trouvant dans les hôpitaux et pour améliorer la situation
sanitaire dans le Centre d’accueil pour migrants.
Exploitation économique, y compris de la main-d’œuvre
infantile
64. Le Comité se
félicite de l’adoption du Code du travail de 2003 qui a renforcé la protection
des enfants contre l’exploitation dans le travail et des progrès accomplis vers
une réduction du pourcentage global des enfants qui travaillent et vers l’augmentation
des taux de scolarisation. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que les
autorités n’ont pas pris suffisamment de mesures pour retirer les filles, dont
certaines ont à peine 8 ans, des maisons dans lesquelles elles sont
employées comme domestiques dans des conditions très précaires. Le Comité note
en particulier avec préoccupation ce qui suit:
a) Même si la délégation de l’État partie a
reconnu qu’il fallait faire en sorte qu’aucun enfant âgé de moins de
18 ans ne soit employé comme domestique, des filles continuent d’être
exploitées chez des particuliers et d’être soumises à des violences physiques
et verbales et à l’isolement et astreintes à travailler un nombre excessif d’heures
(100 ou plus par semaine) sans pause ni jour de congé, sans possibilité d’accès
à l’éducation et, dans certains, sans être convenablement nourries ou recevoir
des soins médicaux;
b) Il n’y a aucune disposition législative
habilitant les inspecteurs du travail à aller chez les particuliers et aucun
système n’est en place pour informer les enfants employés comme domestiques de
l’existence de services de protection de l’enfance, en sorte que peu est fait
contre ceux qui exploitent économiquement ces enfants;
c) Les lois interdisant l’emploi d’enfants âgés
de moins de 15 ans ne sont pas dûment appliquées en raison de la faiblesse
des mécanismes d’exécution.
65.
Le Comité
demande instamment à l’État partie:
a) De prendre immédiatement des mesures vigoureuses pour faire cesser
l’emploi de filles comme domestiques dans des conditions abusives, d’assurer à
ces filles une éducation, notamment une formation professionnelle et de fournir
des informations détaillées dans le prochain rapport périodique sur les mesures
prises et les résultats obtenus;
b) De veiller à ce que les lois qui interdisent l’emploi d’enfants
âgés de moins de 15 ans et les formes dangereuses de travail des enfants
âgés de moins de 18 ans, y compris le travail domestique, soient
effectivement appliquées et que les personnes qui exploitent les enfants soient
dûment sanctionnées;
c) Renforcer l’inspection du travail, autoriser, par la loi, les
inspecteurs à entrer chez les particuliers et accorder la priorité à des
interventions visant à faire cesser l’exploitation économique des enfants;
d) Songer à ratifier la Convention no 189 (2011) de l’Organisation
internationale du Travail (OIT), sur les travailleuses et travailleurs
domestiques;
e) Solliciter à cet égard l’assistance technique du programme
international sur l’élimination du travail des enfants de l’OIT.
Enfants des rues
66. Le Comité
note que, malgré l’absence de données précises sur le nombre d’enfants vivant
et travaillant dans les rues, ce nombre serait en augmentation dans l’État
partie.
67.
Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place une coordination
transsectorielle et de procéder à des interventions multidisciplinaires,
auxquelles participeraient de nombreuses parties prenantes à différents niveaux,
afin de faire en sorte que les enfants des rues soient convenablement vêtus,
logés, soignés et bénéficient de possibilités d’éducation, notamment d’une
formation pour l’acquisition de compétences professionnelles ou pour la vie
quotidienne, de façon à favoriser leur plein développement.
Vente, traite et enlèvement d’enfants
68. Le Comité
note l’élaboration d’une loi sur la traite des êtres humains. Il constate
toutefois avec préoccupation que l’État partie demeure un pays d’origine, de
destination et de transit pour les enfants, surtout ceux originaires d’Afrique
subsaharienne et d’Asie du Sud, qui sont soumis à un travail forcé, notamment
en tant qu’employés domestiques, ainsi qu’à la traite à des fins d’exploitation
sexuelle et à la mendicité forcée, deux tiers des victimes de la traite étant
des enfants. Le Comité note également avec préoccupation que peu de mesures ont
été prises pour enquêter sur la traite des enfants et poursuivre, condamner et
punir comme il convient les auteurs.
69. Le Comité invite instamment l’État
partie à adopter sa législation contre la traite et à faire en sorte qu’elle
soit pleinement adaptée aux spécificités de la traite des enfants. L’État
partie devrait également prendre des mesures pour mettre fin à l’impunité de
ceux qui se livrent à la traite des enfants.
Suite donnée
aux précédentes observations finale et recommandations du Comité sur le Protocole
facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la
pornographie mettant en scène des enfants
70. Tout en
regrettant le manque d’informations sur la suite donnée aux observations
finales qu’il avait formulées en 2006 au sujet du rapport initial de l’État
partie au titre du Protocole facultatif sur la vente d’enfants, la prostitution
et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/MAR/CO/1), le
Comité se félicite des renseignements fournis par la délégation des États
parties indiquant qu’un projet de loi destiné à mettre la législation marocaine
en conformité avec les dispositions du Protocole facultatif est actuellement en
cours d’adoption.
71. Le Comité exhorte l’État partie à
donner suite aux recommandations qui figurent dans ses observations finales
concernant le rapport initial du Maroc au titre du Protocole facultatif à la
Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la
prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et à
faire figurer des informations complètes à cet égard dans son prochain rapport
périodique.
Enfants du Sahara occidental
72. Le Comité
regrette le manque d’informations dans le rapport de l’État partie sur les
mesures prises pour donner suite à ses précédentes recommandations
(CRC/C/15/Add.211, par. 57) concernant la situation des enfants qui vivent
au Sahara occidental.
73. Le Comité invite instamment l’État
partie à respecter et à protéger les droits de tous les enfants vivant au
Sahara occidental et à prendre les mesures nécessaires pour prévenir les
violations de ces droits. L’État partie devrait fournir des informations
détaillées à ce sujet dans son prochain rapport périodique.
Administration de la justice pour mineurs
74. Le Comité
considère comme positives les mesures prises par l’État partie pour réformer
son système de justice pour mineurs, en particulier avec l’entrée en vigueur du
Code de procédure pénale en octobre 2003, qui a constitué un réel progrès en la
matière. Le Comité juge également positive la formation aux droits de l’enfant
organisée à l’intention des juges qui s’occupent de la justice pour mineurs. Il
note toutefois avec préoccupation que:
a) Le système de justice pour mineurs de l’État
partie demeure essentiellement répressif, dans la mesure où les enfants sont
soumis à de longues périodes de détention avant jugement;
b) Le principe de la présence de conseils à tous
les stades de l’enquête préliminaire, y compris en cas de flagrant délit,
n’est pas encore reconnu;
c) Le recours à des mesures de justice
réparatrice demeure rare et la détention est, dans la plupart des cas, la
première option.
75. Le Comité exhorte l’État partie à
mettre son système de justice pour mineurs en totale conformité avec la
Convention, en particulier avec les articles 37, 39 et 40, ainsi qu’avec d’autres
normes applicables et avec l’Observation générale no 10 (2007)
du Comité sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs.
Il exhorte en particulier à l’État partie à:
a) Veiller à ce que la détention, notamment la détention avant
jugement, soit une mesure de dernier recours appliquée pour la période la plus
courte possible, même en cas d’infraction très grave et qu’elle fasse l’objet d’un
réexamen régulier en vue de sa levée;
b) Faire en sorte que les enfants en conflit avec la loi bénéficient d’une
aide juridictionnelle compétente et indépendante dès le début de la procédure,
y compris en cas de flagrant délit;
c) Promouvoir des mesures de substitution à la détention telles que
la déjudiciarisation, la probation, la médiation, l’accompagnement
psychologique et les travaux d’intérêt général, chaque fois que cela est
possible;
d) Assurer le renforcement des capacités et la spécialisation de
toutes les parties prenantes dans le système de justice, notamment les
magistrats, les agents pénitentiaires et les avocats en ce qui concerne les
dispositions de la Convention;
e) Mettre en place des programmes de réinsertion sociale dûment financés
pour les enfants en conflit avec la loi; et
f) Utiliser les outils d’assistance technique mis au point par le
groupe interinstitutions sur la justice pour mineurs et ses membres, notamment
l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.
J. Ratification
des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme
76. Afin de renforcer davantage la
protection des droits de l’enfant, le Comité recommande à l’État partie de
ratifier les principaux instruments relatifs aux droits de l’homme auxquels il
n’est pas encore partie, à savoir le Protocole facultatif à la Convention
relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de
communications ainsi que les protocoles facultatifs à d’autres instruments de l’ONU
relatifs aux droits de l’homme.
IV. Application
et présentation de rapports
A. Suivi et
diffusion
77. Le Comité recommande à l’État
partie de prendre toutes les mesures voulues pour donner pleinement effet aux
recommandations qui figurent dans les présentes observations finales. Il lui
recommande également de diffuser largement dans les langues du pays ses
troisième et quatrième rapports périodiques, ses réponses écrites et les
présentes observations finales.
B. Prochain
rapport
78. Le Comité invite l’État partie à
soumettre ses cinquième et sixième rapports en un seul document d’ici à juillet 2020 et à y faire figurer des informations sur la suite
donnée aux présentes observations finales. Le rapport devrait être conforme aux
directives harmonisées du Comité pour l’établissement des rapports portant
spécifiquement sur l’application de la Convention, adoptées le 1er octobre
2010 (CRC/C/58/Rev.2 et Corr.1) et ne devrait pas excéder 21 200 mots
(voir résolution 68/268 de l’Assemblée générale, par. 16). Si l’État
partie soumet un rapport dont le nombre de pages dépasse la limite fixée, il
sera invité à le raccourcir et à le soumettre à nouveau conformément à la
résolution susmentionnée. S’il n’est pas en mesure de remanier son rapport et
de le soumettre à nouveau, la traduction de ce rapport aux fins d’examen par le
Comité ne pourra être garantie.
79. Le Comité invite aussi l’État
partie à soumettre un document de base actualisé conformément aux prescriptions
applicables au document de base figurant dans les directives harmonisées pour l’établissement
de rapports, qui ont été approuvées en juin 2006 à la cinquième réunion
intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs
aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I). La limite fixée pour le
document de base commun est de 42 400 mots, comme l’a décidé l’Assemblée
générale dans sa résolution 68/268 (par. 16).
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