L’effectivité
des droits de l’enfant, la responsabilité de tous
Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental du
Maroc
Conformément
à l’article 6 de la loi organique n°128-12 relative à son organisation et à son
fonctionnement, Le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) s’est
autosaisi, en date du 8 juillet 2015 afin de préparer un rapport et avis sur le thème relatif à
«L’effectivité des droits de l’enfant, la responsabilité de tous ».
Lors
de sa 61ème Session Ordinaire tenue le 28 avril 2016, l’Assemblée Générale du
Conseil Economique, Social et Environnemental a adopté ce rapport à
l’unanimité, dont est extrait cet avis.
Eléments d’analyse et principales
conclusions
Les
enfants (0 à 18 ans) représentent toujours plus du tiers de la population ; la
moitié sont des filles et 10% ont moins de 5 ans[i].
Les
inégalités sociales sont encore importantes et touchent les femmes plus que les
hommes (IDH des femmes est très inférieur à celui des hommes 0,545
respectivement 0,658). L’indice de développement humain ajusté aux inégalités
(IDHI) n’est que de 0,433, soit une perte de 29,7% de l’IDH par le fait des
inégalités.
Le
taux d’urbanisation a doublé entre 1960 et 2014 (29,1%, 60,3%)[ii].
La population vivant dans des agglomérations de plus d’un million d’habitants a
augmenté de 345% pendant cette période.
La
structure familiale est aujourd’hui majoritairement nucléaire. La taille
moyenne actuelle des familles est de 4,6 personnes. 64,5% des femmes chefs de
ménages sont analphabètes (56,6% en milieu urbain, 88,3% en milieu rural).
Le
taux de chômage est passé entre 2014 et 2015, de 9,9% à 9,7% au niveau
national, de 14,8% à 14,6% en milieu urbain et de 4,2% à 4,1% en milieu rural[iii].
Les
problématiques liées à l’enfance concernent certes l’ensemble de la société,
mais c’est à l’Etat qu’il revient d’honorer ses engagements nationaux et
internationaux, de mettre en place des politiques protectrices des droits de
l’enfant et de faire respecter la loi dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
L’investissement
adéquat dans l’enfance est universellement reconnu comme étant un facteur
essentiel de diminution de la pauvreté et des inégalités sociales (inégalités
de genre comprises), d’accroissement du bien-être des sociétés et de croissance
économique. C’est à ce titre que l’enfance devra bénéficier d’une attention
particulière dans la réalisation des « Objectifs de développement durable » sur
lesquels le Maroc s’est engagé.
Le
Maroc a réalisé des progrès lors des deux dernières décennies, tant sur le plan
socio-économique, qu’en matière de droits de l’enfant. Il s’est engagé à
respecter et faire respecter les droits de l’enfant.
Aujourd’hui,
les bilans sont faits ainsi que les étapes à franchir. Ils ont été établis par
l’Etat, l’UNICEF et la société civile, à partir d’études et du croisement d’un
ensemble de données factuelles et d’appréciations. Ces bilans font ressortir
que trop d’enfants sont encore particulièrement exposés aux violences et à des
formes de violences particulièrement extrêmes, que des normes et pratiques
sociales préjudiciables aux enfants persistent et que les politiques publiques
concernant l’enfance sont insuffisamment coordonnées, suivies et évaluées.
L’effectivité
des droits de l’enfant, notamment son droit à la protection, demeure ainsi une
question préoccupante :
· l’intérêt supérieur de
l’enfant, un droit et un principe fondamental de la CIDE est insuffisamment
pris en compte ;
· des discriminations à
l’égard d’enfants en raison du sexe, d’un handicap ou de leur statut
socioéconomique persistent ;
·
la justice pour mineurs est
encore éloignée des standards internationaux en la matière ;
· la santé[v]
des enfants s’est certes améliorée, mais de nouveaux défis à affronter dans un
contexte de dégradation de l’offre de soins publique ;
·
l’éducation des enfants
demeure une préoccupation majeure ;
·
la participation des
enfants, élément essentiel de la construction de la démocratie et du citoyen,
est un droit insuffisamment pris en compte.
Il
faut cependant souligner l’absence d’un système d’information et de suivi
évaluation national intégré et centralisé. Les données existantes sont souvent
sectorielles et catégorielles, et que les études sont faites selon des méthodes
différentes dans certaines régions et pas d’autres, à des moments différents,
ne sont souvent pas répétées... Cela rend difficile la mesure réelle de
l’ampleur et l’évolution des différentes problématiques.
Les
politiques publiques mises en œuvre à ce jour sont sectorielles, insuffisamment
suivies et évaluées, manquent de coordination et de vision intégrée, leur
déclinaison au niveau territorial demeure faible.
La
Politique publique intégrée de protection de l’enfance et la « Vision 2030 »
pour l’éducation, constituent deux leviers d’action puissants pour
l’amélioration de l’effectivité des droits de l’enfant.
Pour
leur mise en œuvre, de nombreux défis restent cependant à relever :
Au
niveau social :
·
L’élimination progressive
des normes sociales préjudiciables aux enfants.
Au
niveau institutionnel
· La faiblesse des capacités
institutionnelles, -humaines, financières et d’organisation- , dans la mise en
œuvre et le suivi-évaluation des plans d’action et stratégies.
· La clarification et le
recadrage des missions et responsabilités des différents ministères et
différents intervenants au niveau territorial concernés par l’enfance.
· L’amélioration de la
performance des institutions.
Au
niveau des politiques publiques
· La coordination effective
des actions des différents départements ministériels, des collectivités
territoriales et de la société civile.
·
La continuité à moyen et
long terme de la mise en œuvre;
·
La mise en œuvre au niveau
territorial;
·
La mise en place d’un
suivi-évaluation rigoureux basé sur des indicateurs « droits de l’enfant » et
la reddition de comptes régulière par rapport à des objectifs clairement
définis.
·
La budgétisation
pluriannuelle liée à des indicateurs relatifs aux droits de l’enfant.
· L’implication structurée et
pérenne de la société civile et du secteur privé à but lucratif et non lucratif
dans la mise en œuvre de ces stratégies.
Pour la suite de l’avis et le rapport du CESE, voir :
[i]
Haut-Commissariat au Plan, Recensement Général de la Population et de l’habitat
(RGPH), 2014
[ii]
Haut-Commissariat au Plan, Recensement Général de la Population et de l’habitat
(RGPH), 2014
[iii]
Haut-Commissariat au Plan, Note d’information au sujet de a situation du marché
de travail en 2015
[iv]
Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives,
sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de
violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de
négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence
sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de
son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié
(art 19 de la CIDE). Ces mesures de protection doivent comprendre, selon qu’il
conviendra, des procédures efficaces pour l’établissement de programmes sociaux
visant à fournir l’appui nécessaire à l’enfant et à ceux à qui il est confié,
ainsi que pour d’autres formes de prévention, et aux fins d’identification, de
rapport, de renvoi, d’enquête, de traitement et de suivi pour les cas de
mauvais traitements de l’enfant décrits ci-dessus, et comprendre également,
selon qu’il conviendra, des procédures d’intervention judiciaire
[v]
« Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur
état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation.
Ils s’efforcent de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir
accès à ces services » (CIDE, Article 24, alinéa 1)
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