mercredi 7 mars 2018

2016 : L’effectivité des droits de l’enfant, la responsabilité de tous (CESE-Maroc)


L’effectivité des droits de l’enfant, la responsabilité de tous
Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental du Maroc


Conformément à l’article 6 de la loi organique n°128-12 relative à son organisation et à son fonctionnement, Le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) s’est autosaisi, en date du 8 juillet 2015 afin de préparer un rapport et avis sur le thème relatif à «L’effectivité des droits de l’enfant, la responsabilité de tous ».
Lors de sa 61ème Session Ordinaire tenue le 28 avril 2016, l’Assemblée Générale du Conseil Economique, Social et Environnemental a adopté ce rapport à l’unanimité, dont est extrait cet avis.
Eléments d’analyse et principales conclusions
Les enfants (0 à 18 ans) représentent toujours plus du tiers de la population ; la moitié sont des filles et 10% ont moins de 5 ans[i].
Les inégalités sociales sont encore importantes et touchent les femmes plus que les hommes (IDH des femmes est très inférieur à celui des hommes 0,545 respectivement 0,658). L’indice de développement humain ajusté aux inégalités (IDHI) n’est que de 0,433, soit une perte de 29,7% de l’IDH par le fait des inégalités.
Le taux d’urbanisation a doublé entre 1960 et 2014 (29,1%, 60,3%)[ii]. La population vivant dans des agglomérations de plus d’un million d’habitants a augmenté de 345% pendant cette période.
La structure familiale est aujourd’hui majoritairement nucléaire. La taille moyenne actuelle des familles est de 4,6 personnes. 64,5% des femmes chefs de ménages sont analphabètes (56,6% en milieu urbain, 88,3% en milieu rural).
Le taux de chômage est passé entre 2014 et 2015, de 9,9% à 9,7% au niveau national, de 14,8% à 14,6% en milieu urbain et de 4,2% à 4,1% en milieu rural[iii].
Les problématiques liées à l’enfance concernent certes l’ensemble de la société, mais c’est à l’Etat qu’il revient d’honorer ses engagements nationaux et internationaux, de mettre en place des politiques protectrices des droits de l’enfant et de faire respecter la loi dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
L’investissement adéquat dans l’enfance est universellement reconnu comme étant un facteur essentiel de diminution de la pauvreté et des inégalités sociales (inégalités de genre comprises), d’accroissement du bien-être des sociétés et de croissance économique. C’est à ce titre que l’enfance devra bénéficier d’une attention particulière dans la réalisation des « Objectifs de développement durable » sur lesquels le Maroc s’est engagé.
Le Maroc a réalisé des progrès lors des deux dernières décennies, tant sur le plan socio-économique, qu’en matière de droits de l’enfant. Il s’est engagé à respecter et faire respecter les droits de l’enfant.
Aujourd’hui, les bilans sont faits ainsi que les étapes à franchir. Ils ont été établis par l’Etat, l’UNICEF et la société civile, à partir d’études et du croisement d’un ensemble de données factuelles et d’appréciations. Ces bilans font ressortir que trop d’enfants sont encore particulièrement exposés aux violences et à des formes de violences particulièrement extrêmes, que des normes et pratiques sociales préjudiciables aux enfants persistent et que les politiques publiques concernant l’enfance sont insuffisamment coordonnées, suivies et évaluées.
L’effectivité des droits de l’enfant, notamment son droit à la protection, demeure ainsi une question préoccupante :
·     l’intérêt supérieur de l’enfant, un droit et un principe fondamental de la CIDE est insuffisamment pris en compte ;
·      la protection[iv] des enfants est jusqu’à présent insuffisante ;
·  des discriminations à l’égard d’enfants en raison du sexe, d’un handicap ou de leur statut socioéconomique persistent ;
·      la justice pour mineurs est encore éloignée des standards internationaux en la matière ;
·     la santé[v] des enfants s’est certes améliorée, mais de nouveaux défis à affronter dans un contexte de dégradation de l’offre de soins publique ;
·      l’éducation des enfants demeure une préoccupation majeure ;
·      la participation des enfants, élément essentiel de la construction de la démocratie et du citoyen, est un droit insuffisamment pris en compte.
Il faut cependant souligner l’absence d’un système d’information et de suivi évaluation national intégré et centralisé. Les données existantes sont souvent sectorielles et catégorielles, et que les études sont faites selon des méthodes différentes dans certaines régions et pas d’autres, à des moments différents, ne sont souvent pas répétées... Cela rend difficile la mesure réelle de l’ampleur et l’évolution des différentes problématiques.
Les politiques publiques mises en œuvre à ce jour sont sectorielles, insuffisamment suivies et évaluées, manquent de coordination et de vision intégrée, leur déclinaison au niveau territorial demeure faible.
La Politique publique intégrée de protection de l’enfance et la « Vision 2030 » pour l’éducation, constituent deux leviers d’action puissants pour l’amélioration de l’effectivité des droits de l’enfant.
Pour leur mise en œuvre, de nombreux défis restent cependant à relever :
Au niveau social :
·      L’élimination progressive des normes sociales préjudiciables aux enfants.
Au niveau institutionnel
·     La faiblesse des capacités institutionnelles, -humaines, financières et d’organisation- , dans la mise en œuvre et le suivi-évaluation des plans d’action et stratégies.
·    La clarification et le recadrage des missions et responsabilités des différents ministères et différents intervenants au niveau territorial concernés par l’enfance.
·     L’amélioration de la performance des institutions.
Au niveau des politiques publiques
·   La coordination effective des actions des différents départements ministériels, des collectivités territoriales et de la société civile.
·      La continuité à moyen et long terme de la mise en œuvre;
·      La mise en œuvre au niveau territorial;
·      La mise en place d’un suivi-évaluation rigoureux basé sur des indicateurs « droits de l’enfant » et la reddition de comptes régulière par rapport à des objectifs clairement définis.
·      La budgétisation pluriannuelle liée à des indicateurs relatifs aux droits de l’enfant.
·    L’implication structurée et pérenne de la société civile et du secteur privé à but lucratif et non lucratif dans la mise en œuvre de ces stratégies.

Pour la suite de l’avis et le rapport du CESE, voir :





[i] Haut-Commissariat au Plan, Recensement Général de la Population et de l’habitat (RGPH), 2014
[ii] Haut-Commissariat au Plan, Recensement Général de la Population et de l’habitat (RGPH), 2014
[iii] Haut-Commissariat au Plan, Note d’information au sujet de a situation du marché de travail en 2015
[iv] Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié (art 19 de la CIDE). Ces mesures de protection doivent comprendre, selon qu’il conviendra, des procédures efficaces pour l’établissement de programmes sociaux visant à fournir l’appui nécessaire à l’enfant et à ceux à qui il est confié, ainsi que pour d’autres formes de prévention, et aux fins d’identification, de rapport, de renvoi, d’enquête, de traitement et de suivi pour les cas de mauvais traitements de l’enfant décrits ci-dessus, et comprendre également, selon qu’il conviendra, des procédures d’intervention judiciaire
[v] « Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s’efforcent de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir accès à ces services » (CIDE, Article 24, alinéa 1)

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