04.05.2020 - Soubha Es-siari[1]
Le Ministre de l’Économie, des Finances et de la Réforme de
l’Administration M. Benchaâboun livre sa recette concernant les mesures de
relance, les secteurs prioritaires, le problème de l’amenuisement des RIN, les
financements additionnels…
« Il n’y a pas de place à l’Austérité, mais à la
Mobilisation, à la Solidarité et à la Responsabilité »
EcoActu.ma : Vous avez annoncé le retour progressif des différents secteurs à
l’exercice de leur activité en fonction de la stratégie de levée de l’état
d’urgence sanitaire. Quels sont les critères déterminant le choix des secteurs
pouvant redémarrer juste après le confinement ?
Mohamed Benchaâboun : Tout d’abord, j’aimerais souligner que depuis l’avènement de cette
crise sanitaire et suite aux Hautes Orientations de Sa Majesté le Roi que Dieu
l’assiste, la priorité, au niveau national a été accordée à la
préservation de la vie humaine, ce qui explique les mesures drastiques de
confinement qui ont été prises par notre pays dès l’apparition de cette
pandémie. Partant de ce principe, la gestion du déconfinement se fera d’une
manière progressive et vigilante, et dans le respect total et rigoureux de
toutes les normes sanitaires et d’’hygiène. Les autorités locales réalisent un
travail remarquable à ce propos.
Sur Hautes Instructions de Sa Majesté que Dieu le Glorifie, le Comité de
Veille Économique (CVE) suit la gestion de cette crise sur les
volets économique et social, autant sur les mesures à lancer immédiatement
pour soutenir le pouvoir d’achat des marocains afin de subvenir à leurs besoins
de base que sur la politique de relance économique de l’après Covid que
nous souhaitons volontaire et ambitieuse visant à remettre rapidement
notre pays sur le chemin d’une croissance forte et inclusive. Il n’y a
pas de place à l’austérité mais à la mobilisation, à la solidarité et à la
responsabilité.
Plus spécifiquement, pour le retour progressif des secteurs en
activité, la CGEM a présenté au CVE et diffusé, le 29 avril dernier,
un kit sanitaire de reprise des activités mis à la disposition des
entreprises et qui pourrait être adapté à la spécificité de chaque secteur. Ce
Kit décrit d’une manière claire et précise les mesures sanitaires à respecter
scrupuleusement par l’ensemble des opérateurs dans les espaces de travail (le
contrôle à l’accès des lieux de travail, la gestion des cantines, les règles
d’utilisation des masques de protection et les consignes sanitaires à respecter
aux postes de travail).
Par contre, les critères déterminant le choix des secteurs et des
filières aptes à redémarrer sont laissés au pouvoir discrétionnaire des
Ministères sectoriels de tutelle en cohérence avec le schéma de déconfinement
qui sera retenu. Ces départements se penchent, actuellement, dans une démarche
concertée avec le secteur privé, sur la préparation de leurs plans de
relance respectifs. Ces plans, une fois finalisés, seront le plan de relance
global ou le principe de priorisation assumée sera de mise.
· La balance commerciale souffre d’un
déficit chronique qui s’est creusé davantage avec le Covid-19 comme vous devez
le constater à travers les chiffres de la Douane ou ceux de l’Office des
changes. Jusqu’à quel degré ce constat vous
inquiète-t-il ?
La question du déficit chronique de notre balance commerciale,
voire la soutenabilité de nos échanges extérieurs constitue un défi majeur à
la compétitivité de notre tissu économique. Cette question est davantage à
l’ordre du jour dans le contexte actuel marqué par les répercussions de la
crise sanitaire sur le profil de nos échanges commerciaux. Certes, nos importations
ont été compressées, cependant, nos exportations ont chuté
plus rapidement, ce qui a fortement impacté notre balance commerciale. Nous
regardons cette situation de très près et dans le cadre des différentes
mesures de relance économique dont les contours sont en train d’être établis.
L’un des principes de base qui a été retenu est de promouvoir la production
« Made in Morocco » pour répondre aux besoins du marché local selon
les standards requis en termes de qualité et de prix.
Le renforcement de la production locale permettra également de créer les
conditions propices pour que nos entreprises soient plus compétitives
sur les marchés régionaux et internationaux.
La situation que nous vivons avec cette pandémie pose avec beaucoup
d’acuité la question de la captation de la valeur ajoutée localement
qu’il faut d’avantage massifier. Nos exportations doivent aussi consolider
leurs standards ainsi que leur image de marque. Ceci nous permettra de nous positionner
convenablement au sein de la nouvelle reconfiguration des chaines de valeur
que va connaître le monde d’une part et de mieux capter les investissements
étrangers, européens notamment, en quête de nouveaux centres de production à
proximité des marchés de consommation.
· A l’issue du Comité de veille
économique, des mesures sectorielles sont prévues pour sauver les secteurs
fortement frappés. Lesdites mesures sont-elles d’ordre économique, fiscal … ?
Je tiens, de prime abord, à rappeler la réactivité affirmée dont
a fait preuve le Comité de Veille Economique face à la
crise sanitaire pour soutenir, à temps, les entreprises en difficulté,
à travers des mesures immédiates de contingence visant à réduire ou à décaler
un ensemble de charges qui pèsent lourdement sur leur trésorerie (report des
échéances bancaires, allègement des charges salariales, crédit de trésorerie
avec une garantie de l’Etat, report du dépôt des déclarations fiscales,
…). L’objectif de cette série de mesures étant d’appuyer la résilience
de notre tissu d’entreprises et d’éviter qu’il sombre dans une spirale de
faillites en cascade.
La logique qui a présidé les travaux du CVE, durant cette première
phase, était d’agir rapidement selon une approche transversale en
touchant l’ensemble des activités et des secteurs économiques impactés.
A l’achèvement de cette première phase de crise, il s’agira de mobiliser
les ressources budgétaires nécessaires pour redémarrer l’activité
économique et veiller à leur usage de manière optimale afin de maximiser
leurs retombées sur le tissu d’entreprises locales. Et nous n’allons
ménager aucun effort pour une relance juste et durable qui profite à l’ensemble
des marocains.
A cet effet, le CVE se penche actuellement sur la
conception d’un plan de relance cohérent et intégré en s’appuyant sur des plans
de relance sectoriels en cours de préparation par les départements
concernés, en étroite concertation avec le secteur privé. La logique qui
devrait guider ce plan de relance serait d’identifier des mesures
transversales, mais aussi sectorielles tenant compte des spécificités de
chaque secteur. En effet, l’ampleur et la profondeur du choc sanitaire
demeurent très différenciées d’un secteur à l’autre au même titre que les
schémas de reprise et la vitesse de normalisation. Tout cela dans une
approche ambitieuse de relance où nous voulons tirer profit de toutes les
nouvelles opportunités et sans ménager aucun effort en matière de mobilisation
de ressources.
Il est très tôt de parler des mesures qui seront déployées pour
la relance des secteurs économiques mais toutes les propositions qui seront
faites dans le cadre des plans sectoriels seront examinées dans le cadre des
travaux du CVE.
· L’impact de la pandémie sur les réserves
de devises est important comme en attestent les derniers chiffres relatifs aux
exportations, IDE, transferts… publiés par l’Office des changes à fin mars.
L’utilisation de la LPL de 3 milliards de dollars est-elle suffisante pour
maintenir les RIN à un niveau confortable ? D’autres options sont-elles prévues
? Est-il envisagé le recours à une nouvelle ligne de précaution et de liquidité
dans les prochains mois pour assurer la relance ?
L’ouverture grandissante de l’économie nationale sur
l’extérieur fait que la crise actuelle a impacté substantiellement sa balance
des paiements. Les postes pourvoyeurs de devises, en l’occurrence les exportations, les recettes
touristiques et les transferts des MRE, sont impactés quoiqu’à des degrés
variables et l’effet sur les réserves internationales nettes (RIN) a commencé à
se sentir progressivement. Dans ce sillage, notre pays a eu recours à
l’utilisation de la Ligne de Précaution et de Liquidité, pour le tirage
d’un montant de 3 milliards de dollars remboursable sur une période de 5
ans, avec une période de grâce de 3 ans. Ce montant, devrait couvrir la
totalité des besoins de financement prévus dans le cadre de la Loi de Finances
2020. En outre, il a été décidé de recourir au dépassement du seuil de la
dette extérieure défini dans le cadre de la Loi de Finances de 2020 qui a,
d’ailleurs, bénéficié de l’accord du Parlement.
Néanmoins, si le Maroc est engagé dans un processus de relance
économique important, il est amené à se préparer à ce que ses réserves de
change soient en partie utilisées, d’où l’intérêt de se préserver un niveau de
réserve adéquat durant les prochaines années. A cet égard, notre pays
dispose de fondamentaux macro-économiques solides qui lui offrent la
possibilité de mobiliser davantage de ressources, à travers le marché
financier international qui nous fait confiance, tous les indicateurs le
montrent. Notre pays peut, également, tirer profit de sa crédibilité
auprès de ses partenaires financiers internationaux pour mobiliser des
financements additionnels.
Il est à rappeler, dans ce sillage, que plusieurs bailleurs de Fonds
partenaires du Maroc et d’autres organismes régionaux ont manifesté leur
volonté de soutenir le Maroc dans ce contexte inédit, en mettant à sa
disposition plusieurs facilités financières pour accompagner les secteurs
socioéconomiques, notamment la santé, la protection sociale et le secteur
financier.
· Le Projet de Loi de Finances
Rectificatif est envisagé. Quel sera dans ce cadre, le scénario macroéconomique
le plus plausible à retenir. Et quelles sont les incertitudes sur le plan
international qui conditionnent ledit projet ?
La crise sanitaire induite par le COVID-19, de par son ampleur et
ses conséquences inédites, est venue se greffer sur un contexte
international chargé d’incertitudes. Le manque de visibilité qui marque
l’évolution de l’épidémie, le processus de déconfinement et les risques
de deuxième vague sont tous des éléments qui rendent encore plus difficile
de statuer sur un scénario macro-économique tranché.
A cet égard, plusieurs scénarii sont à l’étude, intégrant
l’évolution au niveau national avec deux grandes hypothèses concernant
l’évolution de la demande internationale, notamment, chez nos principaux
partenaires et celle de la demande locale. La différenciation entre les
scenarii devrait être établie à deux niveaux, en l’occurrence, la gestion du
déconfinement et la vitesse de la reprise qui pourrait s’étaler sur des
horizons différents. La trajectoire d’évolution d’un secteur à l’autre pourrait
être, également, différenciée au niveau de chaque scénario.
NB : Les illustrations ne font pas partie du texte
initial de EcoActu
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