30.04.2020 - MAP[1]
La directrice en charge du Maroc à la Banque européenne pour la
reconstruction et le développement (BERD), Marie Alexandra Veilleux-Laborie, a
accordé une interview à la MAP dans laquelle elle s’exprime sur la relance de
l’économie après le coronavirus et les actions menées par cette institution pour
soutenir les efforts du Royaume pour sortir de cette crise.
Selon Mme Veilleux-Laborie, le
Maroc, qui a démontré par le passé sa résilience face aux chocs
internes et externes, dispose des fondamentaux solides pour faire
face à cette crise mondiale inédite de par sa violence et sa soudaineté.
Elle estime aussi que la
réflexion entamée par le Royaume sur le renouveau de son modèle de
développement est encore plus d’actualité pour préparer le lendemain
de la gestion de l’urgence, rappelant que la BERD a lancé une réponse
immédiate sous forme d’une enveloppe de Solidarité, dont le Maroc a
bénéficié en premier avec 145 millions d’euros en faveur du secteur
bancaire et des petites et moyennes entreprises (PME).
·
Tout
d’abord, comment évaluez-vous l’impact du covid-19 au Maroc ?
Le monde entier est touché par
cette pandémie, avec une crise globale inédite et exceptionnelle de par sa
violence et sa soudaineté. Le Maroc n’y échappe pas malheureusement, mais les
autorités publiques ont été très réactives, voire même proactives dans la
gestion de cette pandémie avec des mesures prises très tôt dès
l’apparition du premier cas, le 02 mars dernier.
Je pense qu’il faut s’attendre à
une année 2020 extrêmement difficile économiquement et socialement, non
seulement du fait des conséquences de la crise sanitaire, mais aussi de
la sécheresse agricole avec un niveau de pluviométrie très bas.
Par conséquent, la balance des
paiements est fortement impactée, notamment du fait de la perte des revenus
du tourisme, de la baisse des transferts d’argent provenant de
l’étranger et des exportations, principalement vers l’Europe. A cela
s’ajoute la baisse de la demande domestique qui impactera fortement les finances
publiques avec un fort accroissement du déficit public.
C’est une situation inédite. Ce
que nous voyons aujourd’hui sur le terrain, puisque la BERD est fortement
présente au Maroc, est qu’au niveau des entreprises, la situation est
très grave avec plus de 140.000 entreprises à l’arrêt, d’après les
dernières données du Haut-commissariat au Plan (HCP). Le secteur informel
est également touché de plein fouet, notamment du fait du confinement. Ceci
a un impact direct social très important.
Ceci dit, je pense que le Maroc
dispose de fondamentaux solides pour faire face aux difficultés actuelles.
Par le passé, le Royaume a démontré sa résilience face aux chocs internes et
externes.
·
Quelles
sont les actions menées par la BERD pour soutenir les efforts du Maroc pour
sortir de cette crise ?
De manière globale et
institutionnelle, notre approche consiste à proposer des solutions de
financement et d’accompagnement pour atténuer l’impact de la crise
mais également à préparer demain, une fois la gestion de l’urgence est passée.
Dès mi-mars, la BERD a été le premier bailleur
de fonds à lancer une Enveloppe de Solidarité
– de 1 milliard d’euros (Md€) – dans le monde visant à soutenir les entreprises qui font face à des problèmes de liquidité, de financement des besoins en fonds de roulement. Il s’agit d’une réponse immédiate, pour faire face aux besoins de liquidité des pays et du secteur privé.
– de 1 milliard d’euros (Md€) – dans le monde visant à soutenir les entreprises qui font face à des problèmes de liquidité, de financement des besoins en fonds de roulement. Il s’agit d’une réponse immédiate, pour faire face aux besoins de liquidité des pays et du secteur privé.
Vendredi dernier, notre conseil
d’administration a approuvé la deuxième phase de cette Enveloppe de Solidarité
pour 21 Md€ sur 2020-2021 avec cinq principales composantes. Parmi ces
composantes, deux me paraissent importantes d’être soulignées : Une enveloppe
de résilience de 4 Md€ destinée à fournir des liquidités d’urgence à court
terme à nos partenaires et filiales (entreprises et institutions financières)
et le soutien aux services vitaux d’infrastructure – tels que l’électricité et
l’eau par exemple.
Le Maroc a été le premier pays à
bénéficier de cette Enveloppe de Solidarité et notre premier client a été le
groupe Bank Of Africa – BMCE auquel nous avons accordé, la semaine
dernière, un package de financement de 145 millions d’euros (M€).
L’objectif de ce package de financement est triple
: continuer de soutenir notre partenaire bancaire de longue date et la
liquidité bancaire, soutenir l’économie réelle pour garantir une
certaine résilience des petites et moyennes entreprises (PME) et accroître
la ligne qui promeut les échanges commerciaux à l’international pour
justement soutenir les importations et les exportations du Maroc, lesquelles
subissent aujourd’hui la crise de plein fouet.
La deuxième réponse que nous avons déjà apporté
au Maroc consiste en l’accompagnement technique des PME, qui est financé
par l’Union européenne.
A cet effet, nous avons lancé en ligne
des webinaires de formation. Les premiers, portant sur la formation sur le marketing
digital, se sont adressés aux femmes chefs d’entreprises. Bientôt,
nous allons lancer des webinaires concernant le secteur de la santé.
Ces deux actions sont des
réponses immédiates, mais notre objectif est également de préparer la sortie de
crise et soutenir des projets qui s’inscrivent dans des politiques publiques de
long terme. C’est pourquoi nous accompagnons le ministère de l’Agriculture
dans l’implémentation du plan “Generation Green” avec un prêt de 150 M€.
·
Comment
peut-on relancer l’économie marocaine après le coronavirus ?
C’est une question très
difficile, car cette crise est inédite et aucun modèle économique n’existe
sur lequel nous pourrions nous baser.
Les autorités marocaines ont été
proactives dans la gestion d’urgence et de la crise sanitaire pour atténuer les
retombées négatives économiques et sociales. Je pense surtout au soutien aux
populations les plus vulnérables, aux PME et plus généralement aux entreprises
et à l’emploi, ainsi qu’à l’appui de la Banque centrale (Bank Al-Maghrib) au
secteur bancaire.
Chaque pays décidera de la
manière de relancer l’économie mais, bien sûr, il sera nécessaire de
coordonner les politiques publiques à l’international, notamment compte
tenu de l’interdépendance entre le Maroc et l’Europe.
Avant la pandémie du covid-19, le
Maroc avait déjà entamé une réflexion sur son nouveau modèle de développement
économique. Je pense qu’une fois la gestion de l’urgence sanitaire passée,
cette réflexion sera encore plus d’actualité afin de redéfinir le modèle de
développement. L’objectif sera d’entamer des transformations structurelles
profondes, tant économiques que sociétales, et de créer un environnement
propice à une économie inclusive, notamment en termes d’accès aux
services vitaux tels que la santé et l’éducation, et à une économie verte
décarbonée pour faire face aux changements climatiques.
·
Quels
sont les secteurs prioritaires à cibler pour réussir cette relance ?
Tout d’abord, il faudra, à
l’instar de nombreux pays, démarrer avec précaution pour éviter une rechute.
Nous assistons aujourd’hui à une digitalisation extrêmement rapide qui
entraine une évolution technologique importante, en particulier avec
l’enseignement en ligne et le travail à distance par exemple.
Je pense que cette tendance ne
sera pas passagère car les bénéfices environnementaux en termes de
pollution, mais aussi le gain en productivité et les économies liés à la
digitalisation sont significatifs, et pousseront les entreprises et les Etats à
avancer davantage dans cette voie.
Évidemment, le secteur
touristique marocain est très touché, comme dans tous les pays où ce
secteur est important. Il est urgent de soutenir ce secteur tant à court
terme qu’à long terme, montrer qu’on est prêt à accueillir de nouveau des
touristes dans un environnement sain.
Parallèlement, le secteur
agricole reste et sera primordial. La stratégie “Generation Green” devrait
permettre de transformer en profondeur ce secteur et répondre aux besoins de
première nécessité et d’assurer la souveraineté alimentaire. Nous nous
attendons à une pénurie mondiale de l’offre de produits agricoles, non
pas à cause de faible récolte mais faute de main d’œuvre capable de
récolter en temps voulu du fait du confinement et de la perturbation des
circuits d’acheminement et de transport classiques. Cela peut être une opportunité
pour le Maroc de mettre en place des processus innovants pour
répondre aux attentes des consommateurs mondiaux, compte tenu de la nouvelle
donne.
Il en est de même pour les industries
exportatrices, notamment l’automobile, l’aéronautique et le textile
où une coordination est nécessaire avec les partenaires en amont et en aval des
chaînes de production marocaines, avec des cahiers de charges sanitaires très
précis pour garantir la fluidité des échanges commerciaux.
Enfin la dimension africaine
est un atout compte tenu de la perturbation de flux commerciaux et des
chaînes de valeurs qui va probablement mener à une recomposition de la carte
mondiale des échanges au profit et au détriment des uns et des autres. Le
Maroc me parait très bien placé pour tirer des avantages de cette nouvelle
recomposition.
NB : Les illustrations
ne font pas partie du texte initial de la MAP
[1] http://www.mapexpress.ma/actualite/economie-et-finance/covid-19-interview-mme-veilleux-laborie-directrice-en-charge-du-maroc-berd/#.Xq7jc0_tfuc.whatsapp
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